Débat entre François Durpaire, spécialiste de l’immigration africaine aux Etats-Unis et co-rédacteur de l’Appel pour une République multiculturelle et postraciale, et Kémi Seba, fondateur du mouvement Tribu Ka (interdit), représentant francophone d’une organisation afro-américaine basée à Washington, le New Black Panther Party, et fondateur d’un centre de loisirs pour enfants noirs.
“Il ne suffit pas d’avoir des papiers français pour être français. (Kemi Seba)”
Kémi Seba : En 2004, j’ai fondé en France le mouvement Tribu Ka, interdit depuis par celui que certains présentent comme leur Président de la République, mais que je ne considère pas comme le mien.
François Durpaire : Dans un système démocratique, il y a des élections ; qu’on le veuille ou non, Nicolas Sarkozy est, constitutionnellement, le président de tous les Français… Et si ! Il suffit d’avoir des papiers français pour l’être, sinon on rentre dans l’arbitraire. S’il n’y avait pas ce petit papier, qui définirait qui est français ?
Kémi Seba : Quand j’entends Nicolas Sarkozy dire qu’il veut destituer la nationalité à une certaine catégorie de citoyens, cela abonde dans mon sens. Selon un sondage Ifop commandé par le Figaro, 70% des personnes interrogées seraient favorables à cette idée. C’est un constat dramatique, qui m’incite à penser qu’il y a des questions profondes à se poser. L’intégration a montré son échec. Nous avons compris la nécessité d’une étape transitoire : une étape communautaire, pas communautariste ! Plus on est organisé structurellement en tant que communauté, en tant que groupe communautaire, plus on a de chances de s’en sortir.
François Durpaire : Il faut distinguer la privation de la nationalité et la privation de la citoyenneté. Il est légitime qu’on puisse être privé de tout ou partie de ses droits de citoyen (comme le droit de vote) par la justice, quand on commet un crime. Mais la privation de nationalité est inconcevable car être français est un statut juridique. La nationalité n’est pas un permis à points ; elle ne se reprend pas. Diviser en différents statuts notre communauté nationale est une barbarie juridique. Il y aurait ceux dont on pourrait reprendre la nationalité et les autres. Non ! Un Français qui commet un crime est un Français criminel, mais n’en devient pas pour autant un apatride ! (…)
Kémi Seba : Mon centre a été diabolisé par les médias : ce n’est qu’un lieu où les enfants viennent un jour par semaine, où l’on évoque l’Afrique avec des jeux, des QCM… C’est tout !
François Durpaire : L’enjeu est ailleurs. Faire en sorte que l’école publique française n’enseigne plus une histoire monochrome blanche. Ce n’est pas le combat des seuls Noirs. Nous devons tous le réclamer.