Abderrahmane Ghoul, le président du Conseil Régional du Culte Musulman, est bien obligé de faire un dur constat : il n’y a pas un sou en caisse pour débuter les travaux de cette future Grande Mosquée pharaonique à Marseille, dont le coût est déjà estimé à 22 millions d’euros (plus du double des 9 millions prévus il y a deux ans).
Du côté des collectes parmi les musulmans de Marseille ou via Internet, c’est un flop total; sans doute dû à la crise économique, qui frappe particulièrement les Bouches-du-Rhône. Et puis dans les différentes communautés musulmanes de la ville, il n’y a pas un grand enthousiasme pour ce projet qui risque de stigmatiser davantage l’islam: «on va encore être montré du doigt!»
D’autant plus que les opposants à la Grande Mosquée reprennent du poil de la bête : les militants du Front National tout comme ceux de la Ligue du Sud sont surpris par l’écoute favorable de leurs thèses « islamophobes » par les Marseillais, même si ceux-ci sont loin d’adhérer aux autres points des programmes de ces deux formations.
Les responsables musulmans du projet se tournent donc vers les pays islamiques… ce qui est en contradiction avec l’image d’un « islam de France » qu’ils voudraient donner à leur CRCM et à leur Grande Mosquée. Leur tournée des popotes méditerranéennes et orientales a ramené quelques promesses de dons, mais pas encore de dons proprement dits.
Le seul versement conséquent et réel est celui du gouvernement algérien qui a donné en 2008 près de 200.000 euros via son consulat local. Hélas l’intégralité de cette somme a été engloutie dans les études préalables et les dossiers administratifs… et aussi dans les frais de démarchage d’hypothétiques mécènes.
L’Arabie Saoudite se dit bien prête à payer la totalité de la note, mais cette générosité intéressée se heurte à deux handicaps. D’une part le règlement de la Grande Mosquée s’oppose à ce qu’un seul Etat finance plus de 25% du montant total, afin qu’aucun État n’ait la mainmise sur cette mosquée. D’autre part les autorités municipales voient d’un mauvais œil le financement saoudien, provenant d’un pays jugé trop « intégriste ».
Il faudra donc recourir à des emprunts. Cependant, là encore, les difficultés s’amoncellent. Pour prêter, les banques demandent que le dossier financier soit bouclé, et exigent un quart ou un tiers de fonds propres. Il y aurait la possibilité que la municipalité de Marseille garantisse les emprunts, comme cela a été le cas dans d’autres communes bien peu laïques. Mais les élus, déjà échaudés par la réticence populaire au projet, ne souhaitent guère prendre ce risque énorme sur le plan financier alors que la Mairie est très endettée, sans compter le risque électoral que cette garantie représenterait pour eux !
Abderrahmane Ghoul songe à réduire les voiles en sacrifiant… le fameux minaret de 25 mètres qui devait appeler aux cinq prières quotidiennes par un phare lumineux. Il ferait ainsi d’une pierre deux coups : abaisser la note des travaux, et se débarrasser discrètement d’un élément architectural ostentatoire victime de nombreuses objections et critiques.
Un autre élément pourtant indispensable risque de passer à la trappe : un parking conséquent. Le projet avait de toute façon fait l’impasse sur le stationnement, ne prévoyant que 250 places en sous-sol alors que le quartier de Saint-Louis est déjà bien encombré. De quoi mécontenter encore plus les riverains.
La pose de la première pierre de la Grande Mosquée de Marseille, initialement prévue le 21 avril 2010, est reportée au 20 mai, en présence de tout le gratin local et des autorités musulmanes (dont les islamistes de l’UOIF et du Tabligh, parties prenantes au projet). Mais sans un sou en caisse, cette sauterie islamo-UMPS risque fort d’avoir un goût amer ou… d’être ajournée aux calendes grecques.
L’inauguration et la première prière restent prévues pour novembre 2011, à l’occasion de l’Aïd-el-Kébir. Malgré l’opposition populaire grandissante et l’absence cruelle de financements.