Contre Murakami à Versailles. Le journaliste et chroniqueur Philippe Tesson estime que n’est pas un lieu d’exposition mais un lieu de mémoire, à statut particulier.
L’extrême droite a bon dos. Familier de la dialectique politique, Jean-Jacques Aillagon assimile ceux qui se scandalisent de la prochaine exposition des œuvres de Murakami dans les salles du château de Versailles ou qui simplement réprouvent cette initiative aux nostalgiques de « la France de l’Ancien Régime, d’une France repliée sur elle-même » et, mieux encore, aux tenants d’une droite « xénophobe, ultraréactionnaire, proche du FN ». C’est insultant. Lui fait-on, à lui, procès d’appartenance à la gauche progressiste ou libertaire, aux mafias affairistes, aux chapelles conformistes ou à la bourgeoisie défroquée, milieux auprès desquels il trouve volens nolens ses meilleurs soutiens ? Notre divorce n’est pas médiocrement politique, il touche au fond d’un problème culturel et artistique.
Versailles fut un lieu de pouvoir à forte dimension symbolique, où se joua le destin de la France, puis un musée historique qui porte à son fronton la mention « À toutes les gloires de la France ». Il y a d’autres endroits pour abriter les fantaisies au demeurant charmantes de Murakami : les Écuries du Roi à la rigueur, le 104 rue d’Aubervilliers, caprice républicain qui n’a jamais servi à rien, Disneyland, les grands magasins du Printemps, que sais-je…
Les expos de Koons, de Veilhan, de Murakami transgressent ce principe et cette légitimité. Les références de ces artistes contemporains à leur souci de dialoguer avec le passé (!) sont une fumisterie. Quel dialogue ? Quel rapport entre la culture de la grandeur au temps du siècle de Louis XIV et celle du « gentil », du « mignon » que revendique lui-même Murakami ? Au moins l’avoue-t-il ; « Je suis le chat du Cheshire, écrit-il, qui accueille Alice au pays des merveilles. » Quel affaissement !
On ne reprochera pas au président de Versailles de chercher à accroître la fréquentation du château. Mais on souhaite qu’il trouve à cette fin des moyens plus légitimes et plus dignes que ces stratégies commerciales ambiguës qui reposent sur une confusion des valeurs et qui finiront par altérer l’image de Versailles. En attendant, puisse-t-il cesser de nous faire prendre la vessie de la mode pour la lanterne de la culture. (…)
JT de France2