Bonjour à tous! Aujourd’hui, Pommier du Val nous présente le premier mouvement du concerto pour Piano “Nuits dans les Jardin d’Espagne, de Manuel de Falla! Bon Dimanche à tous! – Alexandre
I/ Introduction à l’oeuvre et au contexte:
Après avoir parcouru l’Europe de l’Est lors de notre dernier épisode avec la musique de Belà Bartok, nous vous proposons ce dimanche d’aller à l’autre bout de l’Europe afin de nous intéresser au réveil d’une autre Grande Ecole Nationale, celle de la musique espagnole, au travers l’un de ses plus grands compositeurs qu’est Manuel de Falla.
Manuel de Falla est né le 23 novembre 1876 à Cadix. De santé fragile, il passera son enfance à rester à la maison afin d’étudier le piano, tout en baignant dans la musique traditionnelle de l’Andalousie : le Flamenco. Bien que brillant pianiste, de Falla étudiera surtout la composition aux côtés de Felipe Pedrell, alter ego espagnol de Zoltan Kodaly.
En effet, Pedrell est un musicien s’attachant à faire revivre le patrimoine musical National de l’Espagne, et fera prendre conscience à Manuel de Falla du potentiel résidant dans les chants et danses populaires des peuples espagnols et de l’intérêt de les sauvegarder. Manuel de Falla dira de son maître : « par sa parole et par son exemple, il a montré et ouvert aux musiciens d’Espagne un chemin que l’on croyait déjà fermé et sans espoir, au début du siècle dernier, pour la musique nationale. » Tout comme Bartok, le souhait de Manuel de Falla est de développer une musique nationaliste qui fera vivre le patrimoine traditionnel, tout en apportant la modernité et la profondeur artistique de la musique savante occidentale.
C’est dans cet esprit que de Falla débutera sa carrière en écrivant bon nombre de Zarzuelas, qui est une sorte d’opérette populaire traditionnelle, mais plus proche du drame lyrique. Cependant sa première grande œuvre sera un Opéra classique : La vie brève (1905), qui le fera connaître et lui permettra de monter à Paris. Cette œuvre est singulière, car bien que de forme classique, elle repose sur les danses et le cante (chant déclamé) du Flamenco.
En ce début de siècle, le rayonnement culturel de la France, et principalement de sa musique, est à son apogée. La modernité de Claude Debussy et de Maurice Ravel domine la scène internationale et dispute la vedette bien installée qu’est Wagner. Les compositeurs du monde entier viennent en France, Paris devient le centre de la création artistique. C’est dans ce contexte que Manuel de Falla côtoiera Debussy et Ravel, et sera fortement influencé par les sonorités nouvelles que proposent les Français.
Le style de Manuel de Falla évolue alors radicalement, il mélange désormais les sonorités de la musique Française (que l’on désignera par le terme réducteur d’« impressionnisme musical ») avec les chants et rythmes du Flamenco traditionnel. Les Quatres pièces espagnoles (1908), mais surtout le concerto pour piano Nuits dans les jardins d’Espagne (1916) sont fortement marqués par ces techniques « impressionnistes », et les sonorités françaises sont flagrantes. De retour à Madrid, Manuel de Falla entrera dans ce que l’on nomme sa période Andalouse, où il écrira deux ballets : L’amour sorcier (1915) et Le Tricorne (1919), ainsi que son chef d’œuvre pour piano, la Fantasia bética (1919).
Les œuvres suivantes de Manuel de Falla seront moins pittoresques et d’un style plus néo-classique, avec notamment El retablo de Maese Pedro (1923) ou bien son Concerto pour clavecin et orchestre (1926). À partir de 1928 et jusqu’à sa mort, Manuel de Falla s’acharnera à écrire une énorme cantate : L’Atlantide, mais qu’il ne terminera jamais. En effet, en 1939, De Falla fuit le régime totalitaire de Franco et s’expatrie en Argentine, où il vivra seul et misérablement. Il décède en pleine sierra à Alta Gracia le 14 novembre 1946.
II/ L’œuvre présentée
(Nd’Alexandre: la personne ayant posté la vidéo a interdit l’incrustation de celle-ci sur d’autres sites. Pour visionner la vidéo, il faut donc aller sur Youtube en cliquant sur “Youtube”, en bas à droite de l’image, au dessus de la barre. En faisant ainsi, vous arrivez sans problème sur la vidéo en question. Voilà pour les questions techniques! 😀 )
L’œuvre présentée est le premier mouvement du concerto pour piano Nuits dans les jardins d’Espagne, nommé En el Generalife. Manuel de Falla essaie au travers de cet œuvre de faire ressentir en musique les impressions nocturnes pouvant émaner des jardins de l’Alhambra de Grenade. Il ne faut pas y chercher une musique à programme, l’œuvre n’essaie pas d’imiter le bruit des fontaines ou du vent dans les jasmins, mais il faut plutôt s’attacher à écouter les couleurs musicales, apprécier les sonorités tantôt feutrées, tantôt expressives et grandioses.
Bien que techniquement il s’agisse d’un concerto pour piano et orchestre, on aurait tort d’y rechercher une forme classique. Contrairement aux concerto de style romantique (Brahms, St Saens), le piano ne s’oppose pas à l’orchestre, il ne s’agit pas ici d’un duel entre l’instrument et la masse orchestrale. Dans l’œuvre de De Falla, les deux protagonistes s’accompagnent, comme si le piano était le promeneur nocturne dans les jardins et que l’orchestre lui renvoyait les sensations qu’il pouvait éprouver.
L’orchestration et les effets pianistiques sont directement inspirés de la musique de Debussy, et la ressemblance est tellement troublante que l’on pourrait se demander s’il s’agit bien de musique Espagnole sonnant française, ou l’inverse. Ce qui est remarquable dans l’œuvre de Manuel de Falla, c’est la finesse avec laquelle il emploie le matériau folklorique Andalou. Debussy, Ravel ou bien Bizet (avec l’Opéra Carmen) se sont essayés à écrire une musique d’inspiration Espagnole. Pourtant leurs œuvres sont souvent grotesques, employant maladroitement les mêmes ritournelles et autres espagnolades, faisant plutôt penser aux Olé d’une corrida qu’à la profondeur et la sagesse d’une musique populaire traditionnelle. Chez De Falla, les rythmes du Flamenco, le cante sont utilisés avec subtilité et se marient à merveille avec la technique de la musique savante. Au lieu d’y retrouver une simple sonorité espagnole, on y ressent avant tout l’âme de l’Andalousie.
L’extrait présenté est interprété par Alicia de Larrocha, grande pianiste Espagnole, spécialiste de la musique de ses origines, mais malheureusement décédée il y a presque un an.
III/ Pour aller plus loin :
Manuel de Falla n’est pas l’unique compositeur Espagnol venu à Paris pour s’imprégner de la musique Française. Isaac Albéniz est aussi un génie ayant habilement mélangé la musique populaire traditionnelle Espagnole avec la musique Française. Dans son œuvre géante pour piano, Ibéria, Albeniz s’inspire des musiques de toute l’Espagne pour en faire des œuvres impressionnistes pour piano. Dans la vidéo ci-dessous, vous trouverez la pièce El Albaicin, inspirée par le quartier Gitan situé juste en dessous de l’Alhambra de Grenade, et de nouveau interprétée par Alicia de Larrocha.
Auteur: Pommier du Val
Voilà, voilà, je remercie Pommier du Val pour sa participation permanente à cette rubrique depuis près d’un mois désormais et je vous dis à la semaine prochaine pour un nouvel extrait! Bon Dimanche à tous les Desouches et passez une bonne semaine! 😀 – Alexandre