Surnommé «le curé des Minguettes», le Père Christian Delorme est rattaché au diocèse de Lyon. Très impliqué dans le dialogue interreligieux, en particulier avec les musulmans, il a été l’un des initiateurs de la Marche pour l’égalité des droits et contre le racisme, en 1983. Il analyse pour Saphirnews la place accordée en France à la jeunesse «issue de la diversité».
” Il y a le risque, aux prochaines élections présidentielles, que le scénario de 2002 se reproduise et que Marine Le Pen se retrouve au second tour…”
Q. Les Français musulmans pourraient aussi être dragués pour les voix qu’ils représentent aux élections, comme c’est le cas dans d’autres pays. Pourquoi n’est-ce pas le cas en France ?
En effet, et c’est une faute politique. On a des responsables politiques, aussi bien à droite qu’à gauche d’ailleurs, qui ne peuvent pas concevoir – ou qui n’ont pas pris conscience – que la majorité des musulmans en France sont des citoyens français. Cela n’est pas encore entré dans les mentalités de nos principaux responsables politiques.
Le paradoxe de la société française est qu’elle est beaucoup plus mélangée dans les couches populaires, il y a un métissage qu’on ne retrouve nulle part ailleurs en Europe. Certes, il y a des mécanismes ségrégatifs et des pensées racistes qui continuent de circuler. Je pense que c’est dû en grande partie à notre histoire coloniale, dont nous n’avons pas fait le bilan, que nous n’avons pas su revisiter. (…)
Q. Vous avez joué un grand rôle dans la marche des Beurs en 1983… Que dire quasi 30 ans après à ceux qui, déçus, disent que cela n’a servi à rien ?
Cela n’est pas tout à fait vrai. Cette marche a été le révélateur des changements profonds de la société française. C’est par cette marche que l’immense majorité de la population de ce pays a découvert que la population française était en train de changer. C’est l’entrée massive de la jeunesse française d’origine maghrébine dans l’espace public.
Par ailleurs, il se trouve qu’à l’occasion de cette marche nous avons obtenu un résultat : la carte de résidence de dix ans, ce qui a changé la vie de millions d’étrangers – ça, on l’a oublié.