Linguiste de renommée internationale et philosophe, Raffaele Simone est un homme de gauche. Son livre, Le Monstre doux. L’Occident vire-t-il à droite ?, va paraître prochainement en France. Selon lui, la gauche n’a rien compris à l’évolution des sociétés occidentales Face à elle, une droite nouvelle l’emporte parce qu’elle a compris notre époque consommatrice, individualiste, pressé, médiatique.
Une droite conquérante associée aux chefs d’entreprise comme aux hommes des médias pour promouvoir une société de divertissement et de défense des intérêts de court terme, tout en promettant la sécurité et la lutte contre l’immigration. Un projet que Raffaele Simone appelle “le monstre doux”.
” Le premier commandement est consommer. C’est la clef du système. Le premier devoir citoyen ”
Q. La gauche, dites-vous, ne comprend plus notre temps. Pourriez-vous nous donner des exemples de cette incompréhension ?
Depuis les années 1980 et les débuts de la mondialisation, la liste des changements radicaux que les dirigeants de gauche n’ont pas compris donne véritablement le tournis. Beaucoup d’entre eux ont résisté à l’idée de l’unification européenne – un grand projet pourtant né de leurs rangs –, puis critiqué la réunification allemande après la chute du Mur. Ils se sont opposés longtemps, avec force, à la critique écologique du productivisme sans frein, qui aurait pu les ressourcer. Ils ont dénié l’apparition d’un facteur ethnique dans la sphère politique. Jusque récemment, ils ont refusé de discuter de l’immigration de masse et des clandestins, se montrant laxistes sur ces questions.
Eux, les défenseurs de la laïcité, n’ont pas été clairs dans leur critique de l’islam radical, sur les questions du port du voile et de la visibilité des signes religieux. Ils ont montré le même aveuglement face aux violences urbaines et à l’insécurité, ne considérant que leurs causes et pas leurs effets.
Ils s’obstinent à ne pas voir le vieillissement de la population et, comme en France, à ne pas évoluer sur les retraites. Ils ont abandonné la défense des ouvriers et des salariés aux syndicats et n’ont plus rien de partis populaires. (…)