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Dans un chat au Monde.fr, Bertrand Badie, professeur à Sciences Po, revient sur la notion d’ennemi. Il considère la France n’en a pas aujourd’hui et que la «stigmatisation des moins intégrés est une façon d’aggraver leur défaut d’intégration».

” Aujourd’hui, la France n’a pas d’ennemis tels en tout cas que cette notion même nous conduit à les identifier. Elle a des fantasmes, des épouvantails et des boucs émissaires.”

Q. Dans quelle mesure la notion d’ennemi commun peut-elle aider à la construction d’une identité nationale ?

Nous sommes dans un monde d’identités multiples emboîtées les unes aux autres, qui conduit le discours sur l’ennemi à une régression vers un passé révolu, risquant d’attiser les identitarismes et les particularismes plutôt que de redonner à l’Etat-nation le rôle de composante essentielle du nouveau jeu mondialisé. En plus, réintégrer l’idée d’ennemi au moment où la compétition des Etats-nations est transfigurée en compétition ethnique, culturelle, voire religieuse, risque de faire renaître le communautarisme et de créer ainsi une situation sociale d’autant plus dangereuse et absurde que nous sommes dans un monde de mobilité, d’interpénétration culturelle et religieuse. (…)

Q. Faut-il penser que la France a en son sein des ennemis ou plutôt des individus ou des groupes d’individus qui font partis de la société et qui sont mis en marge de la société ?

D’une part, la notion d'”ennemi intérieur”, de cinquième colonne, est très ancienne dans l’histoire des Etats-nations, et de la France en particulier. Elle a grandi avec la pré-mondialisation, dans l’entre-deux-guerres, et elle a été confirmée durant la guerre froide, lorsque le camp socialiste était soupçonné de trouver un soutien actif auprès de certains partis politiques français. Aujourd’hui, les communautés minoritaires : immigrés, musulmans, Roms…, prennent le relais.

D’autre part, il est clair que, précisément, ces communautés se caractérisent par un degré faible d’intégration dans la société, un peu comme au temps de la guerre froide le mouvement ouvrier, mis en accusation à travers le Parti communiste, se définissait par un accès limité à la citoyenneté. On joue donc, d’une part, du fantasme et, d’autre part, d’un dangereux paradoxe : stigmatiser ceux qui sont les moins intégrés est une façon d’aggraver leur défaut d’intégration et de construire très vite un cercle vicieux dont tout le monde sera très vite victime. (…)

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