Les Eglises de migrants : une chance à saisir – Par Tania Buri
L’émergence de nouvelles Eglises de migrants est une déferlante en Europe. Elle concerne avant tout les milieux protestants avec l’éclosion de nouvelles communautés d’expression évangélique. Faut-il en avoir peur ?
« Au-delà des ponts à tisser ou non avec ces différentes communautés se pose la question d’un « Vivre ensemble » chrétien qui reste à construire », résume le pasteur réformé Antoine Schluchter à Villars-sur-Ollon. Nous sommes actuellement en Suisse en présence d’une nouvelle carte du religieux. Si le pays était chrétien avec une majorité de protestants et 40% de catholiques vers 1900, de nouveaux mouvements religieux et des Eglises de migrants sont apparus dès les années 60 et 70. Selon une étude de la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS), l’arrivée de chrétiens des pays du Sud et de l’Est a entraîné ces dernières années la création de plus de 300 nouvelles Eglises sur sol helvétique, alors qu’on en connaissait moins de 50 il y a 40 ans.
Dans cette expérience de quitter un contexte plus difficile, le migrant est quasiment dans une logique de survie, indique Antoine Schluchter. « Les sociologues parlent même d’une logique de conquête, en disant que ces nouvelles communautés de migrants sont en train de conquérir le domaine et le marché spirituel. » De fait, leurs membres sont souvent plus religieux, explique Joerg Stolz, directeur de l’Observatoire suisse des religions à l’Université de Lausanne. Ce qui est l’une des caractéristiques des ressortissants de pays moins développés. Et une caractéristique qui s’accentue par la migration elle-même, car le réseau social est souvent tissé autour de la religion et le migrant devient ici souvent plus religieux qu’il ne l’était précédemment (…)
A noter que l’expression pentecôtiste de la communauté a également fait mouche auprès de cette population, pour qui les cultes célébrés dans les Eglises historiques manquent souvent de vie. Difficile en effet pour un Africain par exemple de se sentir à l’aise dans une célébration sans chanter librement et danser : « cela fait partie de sa culture et de sa manière de louer Dieu », confirme à Genève le pasteur Joseph Kabongo, secrétaire général de la Conférence des Eglises africaines de Suisse (CEAS), et pasteur d’une Eglise d’expression africaine à Aigle. Une communauté qui rejoint aujourd’hui la sensibilité de plusieurs Suisses (…)
« C’est un lieu de mémoire et de recherche d’identité », confirme à ses côtés le Père orthodoxe serbe Borgoljub Popovic. Une façon de dire que les Eglises de migrants sont aujourd’hui le lieu privilégié où s’effectue ce travail identitaire qui permet ensuite aux intéressés de mieux entrer en relation avec autrui.