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Comment la mondialisation a affranchi les élites de la tutelle des États et affaibli la base sociale.

Alain Touraine est l’un des principaux leaders de la sociologie. Dans « Après la crise », il nous livre son diagnostic de la société française aujourd’hui. Stupéfaction : « La société, nous dit Alain Touraine, n’existe plus. »

Comment établir une telle proposition ? Sur deux constats qui se manifestent tout particulièrement avec la crise. Le premier est que le monde des élites, celui des majors des grandes institutions financières et industrielles appartient a un territoire qui n’est plus le territoire national. Ce premier monde, grâce à la globalisation de l’économie, a pu et su s’affranchir de la tutelle de l’État.

Le second constat est celui de la disparition des grands acteurs sociaux. On comprend l’étonnement du sociologue qui a pu observer des années durant une société qui s’est tranformée, structurée a travers de grands mouvements sociaux et qui constate que la plus grande crise financière que le monde a connu depuis pratiquement un siècle n’a donné lieu a aucun mouvement social.

Les victimes de cette crise sont silencieuses. Mieux : Alain Touraine observe que si les élites savent bien s’organiser pour faire passer auprès des gouvernements leur vision, le monde d’en bas est, au contraire, complètement dispersé.

Cette analyse suscite deux remarques. Il faut d’abord saluer la pertinence du propos d’Alain Touraine. C’est, au fond, le premier sociologue français a prendre au sérieux le phénomène de la globalisation qui nous confronte à un phénomène inédit depuis la naissance des États, celui de la « dénationalisation » de l’économie. Jusqu’à présent, la production des richesses se faisait sur une base nationale qui permettait aux pouvoirs publics d’organiser des dispositifs de redistribution tels que l’enrichissement de quelques-uns pouvait se transformer en prospérité collective.

Alain Touraine constate, en même temps que la disparition de la société, la « fin du social ».

Par contre, on peut être plus réticent avec le constat d’Alain Touraine concernant l’absence de mouvements sociaux. D’abord parce qu’il y en a bien eu à l’étranger, aux États-Unis comme en Grande Bretagne, quelque fois forts violents. On ne peut pas oublier que « Main Street » a sans doute porté Barack Obama à la présidence des États-Unis. Et le mouvement de résistance français à la réforme des retraites s’inscrit à l’évidence en réponse a la crise.

Au fond, Alain Touraine veut nous dire que la situation créée par la globalisation est dangereuse en ce que le constat de l’impuissance publique peut conduire à ce que se renforcent des formes communautaristes d’aggrégation des individus. Mais Alain Touraine ne voit pas là notre seul avenir : il met toute sa confiance dans le renforcement de nouveaux mouvements sociaux basés sur la reconnaissance de droits à prétention universelle parce qu’ils exprimeraient dans cet univers globalisé les conditions d’une existence véritablement humaine.  (…)

Les Échos

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