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La cuisine médiévale

bLa cuisine médiévale présente des caractéristiques différentes de la nôtre : absence des légumes d’Amérique (pomme de terre, tomate, la plupart des haricots), liaison des sauces au pain ou à l’amande, goût pour des saveurs acidulées, sucrée/salées et aigre/douces, grande utilisation des épices dans les milieux privilégiés. Le site Oldcook fait le point sur les Douze bases de la cuisine médiévale, sur la diététique médiévale , sur les épices en Europe médiévale et sur de nombreux autres sujets.

Il faut écarter une caricature : celle d’une cuisine qui utiliserait les épices à foison pour masquer le goût d’une viande avariée. La cuisine du Moyen-Age, comme le Moyen-Age en général, vaut mieux que ce qu’on en dit.

D’abord, on a des basses-cours et on tue souvent la volaille le jour où on veut la manger. La viande est donc souvent plus fraîche qu’aujourd’hui. Les épices jouent un rôle politique : elles permettent au Roi de montrer sa maîtrise du monde et de ses produits. Les grands imitent le Roi. Le peuple n’utilise pas d’épices exotiques, mais des “bonnes herbes” de chez nous. Les cuisiniers royaux ont une science des épices, et les mélanges sont souvent les bons. Vous pouvez tester, par exemple, le mélange très classique gingembre/girofle/cannelle, cuit dans du lait d’amandes, et vous verrez que c’est très bon.

Cette cuisine est assez diététique, malgré le goût excessif des seigneurs pour la viande. Les jours maigres de l’Eglise, qui ne se limitent pas au Carême, interdisent cette dernière presque un jour sur deux, ainsi que tous les produits animaux (graisse, fromage, lait, oeufs) sauf le poisson. Poisson et amandes sont la providence des jours maigres. Ces dernières peuvent se retrouver aussi sur la table les jours gras, associées à la viande, car elles plaisent. Deux préparations de base sont le lait d’amande et les liaisons à base d’amandes mondées et broyées.

Le peuple mange surtout du pain, souvent rassis (on ne va le fabriquer au four banal qu’une fois tous les quinze jours environ), qu’il faut dont tremper dans du lait, du vin ou du bouillon.

QUELQUES RECETTES FACILES

Quelques bases :

Amandes pour lait ou liaison : les faire tremper la veille, ce qui leur donnera les vertus d’une germination (dès lors que la graine se gonfle d’eau, c’est qu’elle reprend vie ; c’est une graine germée, même si le germe n’est pas sorti) et permettra en outre d’ôter leur peau d’un coup d’ongle. Il existe aujourd’hui des appareils très pratiques pour faire les laits végétaux (dont le lait d’amandes).

Le verjus : voir cet article.

Pour trouver la proportion d’épices qui vous plaira  (pour l’ensemble classique gingembre/girofle/canelle) : prendre un morceau de gingembre frais d’un centimètre et le piquer de deux clous de girofle ; le faire bouillir dans un demi-litre de lait d’amandes ; goûter plusieurs fois, jusqu’à ce que le goût vous convienne sans être trop fort ; jeter le gingembre piqué, qui se récupère aisément ; ajouter de la cannelle pincée par pincée, car elle, on ne peut pas la retirer.

Quelques bonnes soupes

(rappel : la “soupe” proprement dite, au Moyen-Age, est la tranche de pain rassis, éventuellement frotté d’ail, sur laquelle on verse le bouillon ; sa présence est sous-entendue dans toutes les recettes qui suivent).

Bouillon de cresson. Faites bien bouillir avec une poignée de bettes. Puis tournez-la. Hachez. Faites frire dans de l’huile. Puis faites-la bouillir dans du lait d’amandes ou en dehors du Carême dans l’eau de cuisson de la viande ou avec du fromage. Qu’il soit salé à  point. Que le cresson soit bien trié. (Taillevent).

Lait de Provence. Portez du lait de vache à ébullition. Puis, mis hors du feu, quand il sera un peu froid, faites filer des jaunes d’œufs à profusion. Passez par l’étamine. Que ce soit épais, [tirant] sur une couleur jaune. Pochez des œufs dans de l’eau et mettez les avec sans bouillir. (Manuscrit de Sion).

Chaudeau. Pour faire un chaudeau sur des oeufs pochés. Prenez du persil finement haché et plongé dans de la bonne eau et du verjus. Faites bouillir ensemble. Mettez vos tranches de pain dans des plats avec les œufs et votre brouet par-dessus. (Viandier de Kassel).

Soupe en carême. Prenez du bouillon de pois, du cumin, du safran en poudre. Mettez–en un demi-quarteron de bouillon et un hanap de vin. Si c’est du verjus, mettez-en moins. Du sel à point. Faites bouillir. Versez-le sur les soupes, bien chaudement. (Viandier de Kassel). (Note : les petits pois n’étaient pas connus ; parmi les “pois” -au sens large- connus à l’époque et encore plaisants, il y a les pois chiches, les fèves et les mojettes de Vendée ; les autres haricots n’étaient pas encore arrivés d’Amérique).

Bouillon aux vermicelles : Les vermisseaux de coquille sont fait de pâte, aussi petites que les petits vers qui se trouvent dans les fromages. Les petites filles du pays du sud les font sécher au soleil en toute saison pour mieux les garder. Il faut bien les trier et les laver. Puis les faire sécher comme il est dit du riz. Cuire dans du bon bouillon gras bien assaisonné de safran. Du fromage fin râpé versé au moment de dresser par-dessus. (Viandier de Kassel).

Potée grenée. Prenez du pain gratiné. Faites-le bouillir dans du bon bouillon gras bien assaisonné de safran. Quand il est bien cuit, prenez des jaunes d’oeufs bien battus et de fromage râpé. En le faisant filer, versez[-les] dedans en remuant énergiquement. Portez à ébullition. Dressez bien, pendant que c’est chaud. Saupoudrez d’épices. Sucrez par-dessus ou [parsemez] du fromage râpé. (Taillevent) (Note : c’est un peu la panade, soupe aux pain de nos grands-parents quand ils n’avaient pas grand chose d’autre.)

Tourtes et pâtés :

Tourte lombarde. Pour faire une tourte lombarde. Prenez des oeufs frais, du fromage fin crémeux, râpé ou haché finement ou en dés carrés, de la crème douce, du vin, de la cannelle et du sucre. Battez tout ensemble. Prenez du beurre frais, fondu, chaud. Mettez dedans en mélangeant énergiquement qu’il ne brûle pas. (Viandier de Cassel). (Note : l’auteur oublie de le dire, mais bien sur l’appareil se place dans une pâte à tarte, éventuellement avec une seconde abaisse en couvercle et l’ensemble cuit au four ; sinon, ce ne serait pas une tourte. Je trouve que la recette de l’appareil rappelle la quiche, avec en plus du vin (blanc, je suppose).

Pâtés norrois. Prenez de la viande cuite hachée bien finement, des pignons, des raisins de Corinthe, du fromage crémeux émietté bien finement, un peu de sucre et un peu de sel. (Taillevent) (Note : bien sur, ce pâté cuit dans une pâte ; pas d’affolement devant le côté sucré/salé : la viande hachée est déjà cuite, donc de goût discret ; on peut choisir du porc qui aime bien être associé aux pommes ; on peut servir le pâté chaud avec à côté une compote de pommes ni sucrée ni salée).

Sauces blanches et blanquettes

Sauce blanche : Pour faire de la sauce blanche accompagnant le cabillaud, des escliffons, des gardons et plusieurs autres poissons. Prenez du pain blanc taillé en fines tranches. Faites-le tremper dans de l’eau de bouillon. Prenez de bonnes amandes […]. Écrasez-les. Puis vous broierez le pain avec ces amandes. Passez par l’étamine. Délayez avec du verjus, un peu de vinaigre et, quand la sauce sera faite, prenez de la poudre de blanc, du gingembre en quantité pour l’assaisonner, qu’elle ne soit pas trop forte.  (Viandier de Cassel) (Note : la sauce blanche à base d’amandes est un grand classique qui se retrouve chez tous les auteurs à maints endroits ; elle peut être verdie aux herbes, jaunie aux oeufs, se voir ajouter des oignons ; selon les auteurs et les recettes, elle peut cuire dans de l’eau, du vin, dans le bouillon de la viande qu’elle accompagne ; elle peut être liée aux oeufs … quand elle cuit avec sa viande, elle rappelle nos blanquettes).

Cuminée de volaille. Faites-la cuire dans du vin et dans de l’eau. Puis découpez-la en quartiers. Faites-la frire dans de la graisse de lard. Puis prenez un peu de vin. . Mouillez-en votre bouillon. Filtrez-le. Faites le bouillir avec votre grain. Puis prenez un petit peu de gingembre et du cumin délayés dans du verjus et du vin. Puis prenez des jaunes d’œufs à profusion. Battez-les bien. Faites-les filer dans votre potée à l’écart du feu. Prenez garde qu’il ne tourne pas. (Taillevent). (Note : le “grain”, c’est ce qui cuit dans le bouillon).

Cuminée d’amandes. Faites cuire votre volaille dans de l’eau. Découpez-là en quartiers. Faites frire dans de la graisse de lard. Prenez des amandes pelées. Délayez dans votre bouillon. Faites bouillir sur votre grain avec du gingembre et du cumin délayés dans un verjus et du vin. Elle s’épaissit toujours d’elle-même. (Taillevent)

Blanquette d’échine de porc aux amandes et aux poireaux : Pour faire les poireaux blancs. Que celui qui en aura la charge fasse en sorte qu’il ait des poireaux. Qu’il les coupe finement. Lavez-les très bien. Qu’il les fasse bouillir. Qu’il prenne un bon morceau d’échine de porc salé. Qu’il le nettoie très bien. Qu’il le fasse bouillir avec. Quand ils seront bien bouillis, retirez-les [et déposez-les] sur des tables belles et nettes. Qu’ils gardent bien le bouillon dans lequel ils auront bouilli. Qu’il y ait un plein mortier d’amandes blanches. Puis prenez du bouillon dans lequel ont bouilli les poireaux. Mouillez-y vos amandes. S’il n’y a pas assez de bouillon, qu’il prenne du bouillon de boeuf ou de mouton. Qu’il prenne garde qu’il ne soit pas trop salé. Puis après faites bouillir votre brouet dans une belle marmite propre. Puis prenez deux couteaux beaux et propres. Découpez vos poireaux. Puis prenez-les et broyez-les dans un mortier. Une fois broyés, mettez-les dans votre bouillon d’autant d’amandes que d’eau, à mi-cuisson. Une fois bouillies, quand viendra le moment de dresser, mettez votre grain sur de beaux plateaux. Puis mettez par-dessus du bouillon de poireaux (Maître Chiquart).

Brouet blanc de chapon : Brouet blanc de chapon. Cuits dans du vin et de l’eau. Découpez en morceaux. Faites frire dans de la graisse. Broyez des amandes, des bruns de chapons et des oeufs délayés dans du bouillon. Faites bouillir sur votre grain. Prenez du gingembre, de la cannelle, des clous de girofle, de la maniguette, du poivre long, du galanga délayés avec du vinaigre. Faites bouillir tout ensemble. Faites filer des jaunes d’oeufs bien battus. Filtrez. (Manuscrit de Sion)

Quelques bons desserts

Toasts dorés : Pour faire des toastées dorées, prenez du pain blanc dur. tranchez-le en toasts carrés. Les rôtir un peu sur le gril. Avoir des jaunes d’oeufs battus. Enrobez-les très bien de jaune d’oeuf. Avoir de la bonne graisse chaude. Les dorer dedans sur le feu jusqu’à ce qu’elle soient belles et bien dorées. Puis les ôter de dedans la poêle. Mettez dans les plats avec du sucre dessus. (Taillevent) (Note : c’est à peu près la recette de notre pain perdu moderne, sauf qu’aujourd’hui nous passons les tranches de pain dans le lait, puis dans l’oeuf avant de les poeler).

Mousseline de pommes : mousseline de pommes : pour faire comprendre à celui qui le fera, qu’il prenne de bonnes pommes barberines selon la quantité qu’il voudra faire. Pelez-les bien et finement, coupez-les sur de beaux plats en or ou en argent. Qu’il prenne un beau pot en terre solide et bien propre ; qu’il y mette de la belle eau pure ; qu’il la fasse bouillir sur de la braise belle et vive ; qu’il mette à bouillir ses pommes dedans. Qu’il fasse en sorte d’avoir de bonnes amandes douces en grande quantité, en proportion des pommes qu’il a mis à cuire ; qu’il les monde, les nettoie et les lave très bien et qu’il les fasse broyer dans un mortier qui ne sente pas l’ail. Qu’il les écrase très finement, qu’il les arrose de l’eau dans laquelle cuisent lesdites pommes, et quand les pommes seront assez cuites, qu’il les sorte sur une belle planche propre, qu’il fasse couler de cette eau [sur] des amandes et en fasse un lait qui soit bon et épais ; qu’il le remette à bouillir sur de la bonne braise vive et sans fumée et [sur] un tout petit peu de sel. Pendant qu’il bout, qu’il hache finement ses pommes avec un petit couteau propre et lorsqu’elles sont hachées, qu’il les mette dans le lait ; qu’il y mette du sucre en grande quantité, à proportion de la mousseline de pommes. Et puis, quand le médecin le demandera, mettez-les dans de belles écuelles ou des plats d’or ou d’argent (Maitre Chiquart).

D’autres recettes encore

Sur le site Histoire pour tous

Sur le site Oldcook

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