Et si la construction européenne, avec sa souveraineté partagée si délicate à manier entre Etats-membres, était une idée révolue à l’heure paradoxale du grand métissage mondial et du retour effréné des frontières? L’idée, ces temps-ci, se répand peu à peu. Le sommet Asie-Europe des 4 et 5 octobre à Bruxelles pourrait accentuer le débat.
«L’Europe à 27 est vouée à l’échec!» La formule, cinglante, ne vient pas d’un opposant notoire à la construction européenne mais de l’ancien premier ministre français Edouard Balladur, interrogé récemment par Le Monde. «Quand ça ne va pas, il faut le dire. ajoute-t-il. C’est la passivité et le silence qui peuvent conduire au sentiment anti-européen que vous décrivez et qui se répand dans bien des pays de l’Union.»
Suivent, cités par M. Balladur, les exemples électoraux qui ont défrayé la chronique ces derniers mois: la percée fulgurante du mouvement d’extrême droite «Jobik» en Hongrie, la victoire du populiste anti-islam Geert Wilders aux Pays-Bas, la poussée forte de l’extrême droite en Suède… Exemples auxquels l’on doit ajouter la «déconstruction» en cours de la Belgique sous la pression des nationalistes flamands arrivés en tête des législatives du 13 juin. Car tout en plaidant la cause des régions dans l’Europe unie, ceux-ci, dans la réalité, sapent le modèle communautaire actuel.
La réalité du monde ne peut pas être ignorée. Nous ne sommes plus au vingtième siècle. Nous ne sommes (peut-être) plus dans le siècle de l’Europe.
Ainsi, l’Europe serait en danger de devenir un concept désuet, mal adapté aux réalités du monde global où l’arme suprême de la concurrence est le rapport de forces (et non la norme, chère à Zaki Laidi), la rapidité (et non le compromis forgé avec difficulté) et la capacité des Etats à se trouver des alliés ponctuels en fonction des défis qu’ils affrontent (au lieu de s’efforcer de présenter un front uni). La thèse, il faut le reconnaître, mérite un examen approfondi. D’autant qu’elle vient de recevoir un autre soutien de poids en la personne de l’ancien ministre français des affaires étrangères Hubert Védrine.