Les caisses de l’État sonnant vide presque partout en Europe, le déficit public est devenu la cible de tous les budgets présentés ces dernières semaines devant les Assemblées des États-membres. Les mesures tournent autour de trois grands axes : réduction des aides sociales, coupes dans la fonction publique et recours à l’arme fiscale.
* Une réduction généralisée des aides sociales
Sans surprise, c’est au Royaume-Uni que les coupes sont les plus franches : le budget de l’assurance sociale y atteint 194 milliards de livres (222 milliards d’euros), de quoi en faire une cible privilégiée du plan d’austérité présenté par la coalition au pouvoir.
Au risque de susciter de vives polémiques, le chancelier de l’échiquier, George Osborne, a annoncé lundi 4 octobre que les aides sociales seront désormais plafonnées et ne pourront plus dépasser le revenu moyen britannique, soit environ 500 livres par semaine (580 euros). M. Osborne a également sonné le glas des allocations familiales “pour tous” : les ménages les plus aisés ne pourront plus y prétendre. 1,2 million de familles britanniques seraient concernées, pour une économie d’environ un milliard de livres.
Les allocations logement seront également révisées à la baisse, ce qui pourrait entraîner, selon les détracteurs du projet, un exode massif des familles vers les banlieues, les centres-villes, qui comptent parmi les plus chers d’Europe, étant devenus inabordables pour les familles de la classe moyenne.
Présentée comme une réforme “juste” par le premier ministre, David Cameron, cette mesure est très critiquée par l’opposition, mais aussi dans les rangs du Parti conservateur.
Au Portugal, le projet de budget pour l’année 2011 prévoit une baisse du montant du revenu minimum d’insertion ainsi que la suppression des allocations familiales pour les revenus les plus élevés. Déjà très affectée par une réforme du travail controversée, qui facilite les licenciements économiques et diminue les indemnités, l’Espagne a dû de son côté mettre fin à un certain nombre de prestations sociales, tel le “chèque bébé” et l’aide aux chômeurs de longue durée.
* La fonction publique au régime sec
En Grèce, après les réductions sur les salaires des fonctionnaires décidées en 2010, l’avant-projet de budget prévoit pour 2011 une réduction supplémentaire de plus de 2 % des émoluments dans la fonction publique, et de 3,3 % des investissements publics. Tous les recrutements dans le secteur public ont été gelés, à l’exception de la santé, de l’éducation et de la sécurité.
Le gouvernement portugais a quant à lui annoncé une baisse de 5 % de la masse salariale de la fonction publique, par le biais d’une baisse des salaires supérieurs à 1 500 euros. En Espagne, le budget 2011 prévoit une diminution de 16 % des dépenses des ministères et de 7,9 % de celles de l’État. Même la maison royale devra se serrer la ceinture pour la première fois de son histoire, avec une enveloppe en baisse de 5,2 %.
Au Royaume-Uni, où le secteur public emploie plus de 6 millions de personnes, soit 21 % de la population active, les salaires supérieurs à 21 000 livres par an seront gelés les deux prochaines années. Par ailleurs, de sévères coupes toucheront la majorité des administrations autres que les services de santé et l’aide au développement : le budget des ministères devrait diminuer de 25 % sur les quatre prochaines années.
Le secteur public français n’est pas plus épargné : 31 638 postes, en équivalent temps-pleins, seront supprimés dans la fonction publique d’État en 2011, un chiffre toutefois légèrement inférieur à celui de 2010 (33 749). Le ministère de l’éducation nationale est, comme chaque année, le plus touché, avec 16 000 suppressions de postes. Ces réductions d’effectifs sont liées à la poursuite de la politique, prévue sur le long terme, du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite (62 000 prévus pour 2011), qui doit conduire finalement à plus de 97 000 suppressions de postes sur la durée du budget triennal 2011-2013.
* Une augmentation de la fiscalité
Levier essentiel dans la lutte contre les déficits budgétaires, l’arme fiscale est aussi l’une des plus délicates à utiliser. En la matière, chaque pays tente de trouver la meilleure stratégie.
La Grèce a déjà augmenté son taux de TVA de deux points au printemps dernier (21 %) et a procédé à une augmentation des taxes sur les alcools, le tabac, les carburants et les produits de luxe. Ces mesures ont eu pour effet de considérablement renchérir le coût de la vie pour les Grecs. Le gouvernement prévoit aujourd’hui officiellement une inflation de 4,6 % cette année et de 2,2 % en 2011.
La hausse des impôts est également sévère au Royaume-Uni. En janvier 2011, la TVA passera de 17,5 à 20 %, ce qui devrait représenter une rentrée de 13 milliards de livres par an dans les caisses de l’État. Les foyers les plus riches sont mis à contribution : l’imposition sur les plus-values a été portée de 18 % à 28 %, mesure appuyée par les membres libéraux-démocrates de la coalition.
Ce sont eux également qui ont demandé un relâchement de la pression sur les foyers les plus modestes, en faisant passer le seuil d’imposition sur le revenu annuel de 6 000 livres à 7 475 livres en avril 2011, ce qui permettra d’exonérer 880 000 contribuables.
Les banques, qui ont joué un rôle non négligeable dans le déclenchement de la crise au Royaume-Uni et dont le renflouement a coûté extrêmement cher à l’État, seront mises à contribution via un impôt qui rapportera en moyenne deux milliards de livres par an.
Au Portugal, le budget prévisionnel pour 2011 relève la TVA de deux points, à 23 %, entérine le plafonnement de certaines déductions fiscales et instaure un nouvel impôt sur le secteur financier. L’opposition sociale-démocrate a fait valoir qu’elle refuserait d’avaliser toute hausse d’impôt jugée injuste. Le gouvernement espagnol a quant à lui présenté dans son budget 2011 une hausse de l’impôt sur les revenus les plus élevés.
Après avoir été présentés comme des instruments de croissance économique, bouclier et niches fiscales sont dans le collimateur de la France. La réduction des niches fiscales, inscrite dans le projet de budget 2011, devrait rapporter 9,4 milliards d’euros en 2011, puis 2,1 milliards supplémentaires en 2012. Les niches fiscales et sociales représentent en 2010 un manque à gagner de quelque 115 milliards d’euros pour les finances publiques.
Ces mesures contribueront à faire grimper le taux de prélèvements obligatoires qui passera de 41,9 % du produit intérieur brut cette année à 42,9 % en 2011. Ce taux retrouvera en 2012, à 43,2 %, son niveau de 2007, au début du mandat de Nicolas Sarkozy, qui avait promis de le réduire de quatre points.
* Des réformes drastiques des régimes de retraites
La plupart des pays ayant présenté des plans de rigueur budgétaire prévoient une réforme plus ou moins profonde des systèmes de retraite, même si celle-ci, à l’instar de la France, a été engagée avant le début de la crise économique.
Encore une fois, c’est en Grèce que cette réforme est la plus drastique, avec un report de l’âge de départ à la retraite de 60 à 65 ans et une baisse importante du montant des pensions. Au Portugal, le gouvernement a annoncé pour 2011 un gel des pensions. En Espagne, même si rien n’a encore été décidé, le gouvernement s’est d’ores et déjà prononcé pour un report de l’âge légal de 65 à 67 ans.
En France, la réforme controversée actuellement en examen au Sénat prévoit le recul de l’âge minimum légal pour partir à la retraite à 62 ans à l’horizon 2018, contre 60 ans aujourd’hui, et un allongement de la durée de cotisation qui devrait atteindre 41,5 ans en 2020. L’âge minimum pour bénéficier d’une retraite à taux plein, quelle que soit la durée de cotisation, passera en outre de 65 à 67 ans.
(Merci à Boreas)