La situation ne s’arrange pas dans le pays et de nombreux journaux prédisent “des décennies d’enfer financier“. Un constat que partage le quotidien britannique The Guardian, après la publication du coût du renflouement des banques irlandaises par le gouvernement.
De la Grèce au Japon, en passant par les États-Unis, la crise bancaire a fait des ravages dans les pays du monde entier. Mais aucune économie n’a été victime d’une mise à sac aussi brutale que celle de l’Irlande. L’ancien tigre celtique a vu son revenu national dégringoler de 17 % au cours des trois dernières années – la contraction la plus sévère et la plus rapide en Occident depuis la Grande Dépression.
Au plus fort de la longue période de prospérité de 1990 à 2007, l’immobilier avait plus de valeur à Dublin qu’à Londres. Depuis, les prix ont chuté de près de 40 % – et ils continuent à couler à pic. A ce rythme, le pays aura bientôt l’honneur douteux d’avoir été le théâtre de l’éclatement de la plus monstrueuse bulle immobilière de l’histoire moderne. En 2008, quand les financiers, pour plaisanter, disaient que la seule différence entre l’Islande en faillite et une Irlande fauchée, c’étaient une lettre et quelques jours, ils avaient tort : la catastrophe qui a englouti l’île d’Émeraude est infiniment pire que celle qui secoue l’Islande.
Et, jusqu’au bout, les ministres de Dublin ont promis à leurs électeurs que les choses étaient sur le point de s’améliorer. Les prêts d’urgence consentis aux banques, c’était la bonne solution. Les réductions radicales des dépenses, ça allait marcher. Et cette décision qui, en gros, revenait à cautionner l’ensemble du système bancaire (sans aucun droit de regard ou presque) et qui réglerait tout ? Eh bien, non, non, et encore non : tel un corps balancé du toit d’un gratte-ciel, l’économie irlandaise a simplement continué à plonger.
Le 30 septembre, Brian Lenihan, le ministre des Finances irlandais, a assuré aux électeurs que le “cauchemar” national qu’ils sont contraints de subir depuis à peu près deux ans était sur le point de cesser. “Nous sommes désormais en train d’en finir avec ça.”
Il n’a pas convaincu les financiers, qui l’ont entendu dire la même chose chaque fois qu’il a proposé un nouveau plan mal ficelé. Même à l’aune de ses coups de poker précédents, celui-ci est franchement énorme. Le renflouement qu’il propose va englober l’Anglo Irish, la banque préférée des promoteurs, ainsi que l’Allied Irish et l’Irish Nationwide – et devrait accroître le déficit budgétaire, qui passerait de 12 % du revenu national au niveau astronomique de 32 %.
Lorsqu’un pays connaît une banqueroute aussi spectaculaire, il est évident que la crise a des causes multiples et profondes. Nous pourrions en tout premier lieu citer une trop grande confiance dans les prix de l’immobilier à la fois en tant que facteur de bien-être illusoire et en tant que source de revenus publics.
Dès que la bulle a éclaté, ces derniers se sont effondrés. Sur certains aspects, les décideurs peuvent prétendre qu’ils se sont contentés de respecter les règles du succès économique selon l’orthodoxie internationale – il faut attirer les capitaux étrangers par tous les moyens et rester ouvert. Mais l’une des leçons de ce que Gordon Brown a décrit comme la première crise de la mondialisation est que le fait de rester ouvert aux affaires à tout prix ne fonctionne pas avec des décideurs qui roupillent.
Tant qu’elle n’a pas éclaté, les décideurs ont répugné à appeler la bulle immobilière par son nom. Et, quand elle a crevé, ils se sont empressés d’accepter les explications des banquiers, lesquels affirmaient qu’ils étaient simplement à court de liquidités, plutôt que carrément en faillite. Ils ont suivi les recommandations du FMI et imposé quelques-unes des réductions budgétaires les plus féroces jamais appliquées – ce qui a eu pour résultat de mettre au chômage près d’un salarié sur six et d’ouvrir la voie à une nouvelle dégringolade économique.
Sur ce point, on constate des ressemblances avec d’autres pays : il suffit de demander à Gordon Brown. La grande différence avec le Royaume-Uni, c’est que l’Irlande, en tant que membre de la zone euro, ne peut pas dévaluer unilatéralement sa devise. La seule solution pour renouer avec la compétitivité est de raboter le niveau de vie des salariés. Ce qui signifie que, quoi qu’en dise M. Lenihan, l’économie irlandaise est condamnée à poursuivre sa chute.
(Merci à SPOILER)