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Il y a de ces chiffres qui ont le pouvoir de résumer à eux seuls la quintessence d’une époque. C’est le cas de celui qui est diffusé par la chaîne américaine d’information économique CNBC dans un article intitulé « New Yorkers’ Income Falls for 1st Time in 70 Years ».

Ces soixante-dix ans nous ramènent donc en 1940, deux ans avant l’irruption des États-Unis dans la Deuxième Guerre mondiale, mais surtout dix ans après le début de la Grande Dépression des années 1930. Et comme à l’époque, la crise actuelle trouve son origine à Wall Street. Il y a donc une certaine justice à ce que les New-Yorkais essuient les conséquences de leurs excès.

Mais cette maigre satisfaction ne devrait pas nous faire perdre de vue que le revenu des New-Yorkais avait chuté pendant dix ans avant de se stabiliser en 1940, et que les malheurs de New-York s’étaient alors propagés à la terre entière dans un contexte où l’économie mondiale était beaucoup moins intégrée qu’elle ne l’est aujourd’hui.

Il faut donc se rendre à l’évidence, l’économie mondiale est entrée dans une phase de dépression, et comme c’est toujours le cas dans une situation de cette ampleur, elle n’en ressortira qu’au bout d’une assez longue période de vaches maigres. Fort probablement une dizaine d’années, comme ce fut le cas la dernière fois.

Mais alors, me direz-vous, comment se fait-il que les autorités des pays visés refusent de donner l’heure juste à leur population et continuent à lui laisser miroiter l’espoir d’une reprise rapide ? Il y a à cela deux raisons principales qui s’opposent en apparence comme le vice et la vertu mais qui se réconcilient parfaitement comme vous le verrez, et qui permettent de comprendre le débat en cours aux États-Unis sur les enjeux économiques gigantesques auxquels ce pays est désormais confronté.

La première, c’est que les politiciens ne connaissent que trop bien l’effet des mauvaises nouvelles. C’est le messager qui écope. À une époque où la population est particulièrement prompte à se défouler sur le porteur de mauvaises nouvelles, rares sont ceux qui se risquent à le faire. La grande majorité d’entre eux sont davantage prêts à se risquer dans les eaux troubles, mais tellement plus électoralement rentables, de la démagogie pour y pêcher leurs votes, et qu’importe si pour cela il faut masquer ou travestir la vérité, ou même carrément mentir. Nous sommes bien placés ici pour le savoir.

La seconde, c’est que tout homme politique responsable exerçant des fonctions d’autorité a le devoir de ne rien dire ou faire qui puisse aggraver une situation difficile pour ses commettants. Qui plus est, il a même le devoir d’apaiser la crise. Quand on connaît l’influence des facteurs psychologiques sur l’évolution des marchés financiers et la façon dont une annonce peut les précipiter dans un sens ou dans l’autre, on réalise que nos dirigeants marchent sur des oeufs en période de crise, et que la prudence la plus élémentaire leur commande la plus grande modération dans leur présentation de la situation. À toutes fins pratiques, ils sont muselés.

La vertu se trouve donc à légitimer le vice. Impossible de compter sur eux pour avoir l’heure juste, et ce n’est pas le moindre des paradoxes ironiques de notre système de gouvernement.

Mais si l’on ne peut compter sur nos gouvernements pour qu’ils nous renseignent correctement sur ce qui se passe et qui va avoir d’importantes répercussions négatives sur nous tous, sur qui peut-on le faire ? La seule réponse possible est sur soi-même. Et là se pose la question de l’égalité devant l’information. En effet, tout le monde n’est pas équipé de la même façon pour accéder à l’information disponible, l’assimiler, l’analyser et en tirer les conclusions nécessaires pour guider son comportement.

Certains sont donc condamnés à subir la situation sans jamais rien y comprendre, d’autres finiront par la comprendre, mais trop tard pour en tirer des conclusions utiles, alors que d’autres encore, les mieux équipés, parviendront à tirer leur épingle du jeu, voire même à profiter de la situation, au moins à court et moyen terme, et à condition que la situation ne dure pas trop longtemps. Car à long terme, il n’y a que des perdants. Vient en effet un moment où l’appauvrissement du plus grand nombre finit d’abord par empêcher le petit nombre de s’enrichir, et ensuite à l’appauvrir lui aussi.

Pour certains, les gouvernements, s’ils ne peuvent tout nous dire sur la situation actuelle, ne peuvent pas pour autant rester immobiles devant ce qui se produit en ce moment. Ils doivent intervenir pour stimuler la croissance, au risque de nous endetter encore davantage.

C’est ce que disent des universitaires prix Nobel d’économie comme Paul Krugman et Joseph Stiglitz depuis déjà quelques mois, c’est ce que disait hier un acteur important sur les marchés financiers internationaux depuis des années, George Soros « Une relance budgétaire supplémentaire – et non pas la discipline budgétaire – est le moyen de sortir de la crise aussi bien pour l’Europe que pour les États-Unis », et c’est ce que disait même le président Obama encore assez récemment, jusqu’à ce qu’il réalise qu’une partie des représentants et des sénateurs de son propre parti ne le suivaient plus.

D’autres prétendent que la situation est tellement mauvaise que « La seule solution est une longue période de déflation de la dette, la réduction des effectifs et le relèvement économique, y compris une réduction soutenue de la consommation ainsi qu’une hausse de l’épargne nationale», autrement dit le démantèlement du système et sa reconstruction sur des bases plus saines. C’est notamment le cas de David Stockman, l’ancien directeur du Budget sous le président Reagan qui croit que les États-Unis sont maintenant entraînés à toute vitesse vers le fond, tellement la situation est mauvaise. (…)

Vigile

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