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S’il y a d’évidents et de forts avantages à vivre en France, y en a-t-il encore à être français ?

Avoir ses papiers en règle ici, à moins d’être très riche, c’est s’exposer à payer ses impôts comme un imbécile et le ticket modérateur comme un larbin. C’est s’exposer à devoir défendre sans cesse, par esprit imbécilement patriote et filial, l’histoire de France, sa culture, ses cathédrales, sa révolution, son Panthéon, son régime de liberté. C’est souffrir jour après jour du poids insoutenable de la mémoire de l’esclavage, de la colonisation, de la collaboration, des croisades et autres fariboles notoirement commises par les Français de toutes les époques. […]

Le statut d’apatride ou de clandestin vous confère des droits inaliénables : l’aide médicale d’Etat, par exemple, vous délivre définitivement de tout souci pour les soins médicaux. La France qui a bien à se faire pardonner vis-à-vis de vous vous offre tout, jusqu’à la chirurgie plastique si vous estimez devoir en bénéficier absolument. Et pensez ! Fini l’impôt sur le revenu, fini le loyer hors de prix : on se doit de vous reloger décemment, c’est votre droit opposable, et ne doutez pas qu’on mettra le paquet. Evidemment, le plus intéressant pour vous est de travailler au noir : pas de charges sociales, pas de revenu déclaré, à vous les allocs.

Si vous êtes une femme, n’hésitez pas à ne pas vous marier ou à faire disparaître avec le reste de votre état-civil votre acte marital. Déclarez vivre seule avec quelques enfants, par mesure de justice élémentaire vous toucherez l’API, qui n’est pas d’un montant négligeable. Pour trouver du travail, rien de plus simple : vous êtes assez doué et irremplaçable pour venir pourvoir un poste en manque de personnel qualifié. Votre patron sera sans doute décoré in fine pour avoir pris le risque de faire travailler un clandestin qu’autrement l’inique système aurait réduit à la mendicité. Or, vous, vous avez le sens de votre dignité. Notez-le, cela vous sera d’un considérable secours dans la deuxième phase du programme. […]

Jacques de Guillebon dans Causeur

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(merci à Tobias)

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