Aiat Fayez, écrivain, est arrivé en France il y a dix ans pour y faire des études de philosophie. Il ne supporte plus le «mépris», «l’atmosphère», la «pression» envers les étrangers devenus, d’après lui, insoutenables. Il fait ses valises.
” Je ne vais plus demander le renouvellement de mon titre de séjour annuel. Je ne veux plus rester ici. Je ne peux plus affronter le regard des Français.”
Je fais mes valises. Je range mes affaires. Je débarrasse ce qui ne servira à rien. Je vends ce qui peut se vendre. J’emporte le minimum, qui est déjà de trop. J’aurai quatre valises en tout et pour tout. Ma vie se résume à quatre valises. A 31 ans. Dix ans après avoir foulé le sol français pour faire des études de philosophie. Le thésard abdique. Il n’a pas le temps de terminer sa thèse.
Des aléas ont assiégé ses projets. Des aléas presque subjectifs. Des aléas que le thésard perçoit, que je perçois (pourquoi me cacher ? Par peur de qui maintenant que je suis derrière l’ordinateur ?) un peu partout autour de moi. Il y a d’abord le sentiment que l’opinion publique se durcit jour après jour. Puis il y a la constatation que les gens dans la rue me regardent autrement. (…)
Extrait de Cycle des manière de mourir, P.O.L. (2009) :
L’étranger aujourd’hui ne peut plus sortir de chez lui. S’il sort de chez lui, l’étranger est torturé rien qu’à l’idée de la haine qui l’entoure. Pour marcher dans la rue, l’étranger doit baisser la tête, se faufiler pour ne pas se faire remarquer. Pour arriver dans sa rue, pour atteindre sa maison, l’étranger en vient à marcher à quatre pattes.