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Par Chantillon, via Sorcière

Triclinium (salle à manger) d’été à Herculanum

Que mangeaient les Romains ? En fonction des 4 grandes périodes de l’histoire romaine, les menus sont différents, mais aussi les coutumes autour des repas. Plusieurs périodes sont à différencier : la période de la Rome royale de 753 à 509, la période de la République romaine de 509 à 27, la période de l’Empire romain de 27 avant JC à 192 après JC et celle du Bas-Empire de 192 à 476.

SOUS LA ROME ROYALE

Survolons très rapidement les repas sous la Rome royale soit de 753 à 509 avant JC.

Les Romains des premiers siècles vivent chichement et ne font que 3 repas par jour : le « jentaculum » ou petit-déjeuner, la « cena » ou repas principal et la la « vesperna » ou souper.  Les convives sont assis dans l’atrium, pièce principale près du foyer. Le père seul est couché. La mère, les enfants mangent dans cette même pièce ensemble ou à des tables séparées. On se nourrit de légumes accommodés sans recherche ou d’une bouillie épaisse appelée « puls » (d’où « pulmentum » = la pitance), préparée avec des grains de froment ou d’épeautre torréfiés et concassés, cuits avec de l’eau (plus tard avec du lait) dans un chaudron de bronze. Cette bouillie épaisse rappelle notre polenta italienne actuelle. On boit peu de vin. Le vin est même interdit aux femmes et aux jeunes gens. Comme disait Caton à ce sujet « Le mari est juge de sa femme ou si elle a commis un adultère, qu’il la tue ».

SOUS LA REPUBLIQUE ROMAINE

Avant les conquêtes, le luxe de la table est surveillé par des censeurs (magistrats), qui sévissent notamment contre les amateurs de festins prolongés.

Puis à partir du II ème siècle avant JC avec les premières conquêtes, à la frugalité succède, dans les hautes classes de la société, un souci légitime de mieux vivre. Les importations permettent d’organiser des menus plus variés et plus subtils. Mais le peuple ne consommera comme plats apprêtés que ceux distribués parfois par leurs patrons à leurs clients.

Deux plats de l’époque républicaine :

Une recette de Caton : le pudding Carthaginois :

Faire tremper une livre de farine; décanter; mélanger avec 3 livres de fromage frais et ½ livre de miel et un oeuf. Après avoir bien mélangé, cuire le tout jusqu’à consistance épaisse dans une marmite en terre neuve.

Le plat favori de Cicéron : le ragoût au fromage :

Faire cuire à l’huile un gros poisson salé et enlever les arêtes. Mélanger la chair du poisson avec des cervelles cuites, des foies de volailles des oeufs durs et du fromage. Faire cuire à feu doux après avoir arrosé d’une sauce de poivre, livèche (ache sauvage), gousse de rue, origan, vin, miel et huile. Lier avec des jaunes d’oeufs crus. Garnir de graines de cumin. (d’après Apicius).

Les repas après les conquêtes (à partir du II siècle avant JC) :  les Romains font 3 repas jour, mais un seul est copieux, la « cena » et ce malgré la réputation de gros mangeurs qu’on leur a faite à toutes les époques. Le « jentaculum » ou petit déjeuner est pris au réveil soit vers 4h30 en tout cas dès le lever du soleil. Il se compose de pain et fromage. Les enfants emportent un biscuit à l’école. Le « prandium » ou casse-croûte vers midi : viande froide, fruits, un peu de vin. Souvent même encore moins copieux et toujours pris sur le pouce. Ce rappelle n’est pas sans rappeler un peu nos sandwichs. La « cena » ou véritable repas, pris au milieu de l’après-midi soit vers 14h30 après avoir fini ses occupations de la vie active. Il s’achève normalement à la nuit tombée soit vers 18 heures ou 20 heures. Aux grande occasions, après la « cena », on prend volontiers une collation de friandises et de vin.

Coutumes et étiquettes observées pendant la cena : la coutume de s’étendre sur un lit (« acumbere »), le coude appuyé sur un coussin (« pulvinar ») s’est introduite dans la haute société à la fin du II ème siècle, probablement à l’instar des peuples orientaux. Peut-être les premiers à en user furent-ils les officiers de Scipion l’Africain. Quant au menu peuple, il ignora toujours l’habitude du lit de table. Sur les lits, des paillassons et plus souvent des matelas de plume (« culcita »). On ne s’étend que pour la « cena ». Pour la cena, le nombre minimum de convives est de 3 (chiffre des Grâces) et le nombre maximum est de 9 (chiffre des Muses). Quand il y a plus de 9 convives, on dresse plusieurs tables. Autour de la table carrée, sont installés 3 lits inclinés de 3 places chacun maximum. Lits et places sur le lit portent des désignations fixes. Débarrassés de leurs chaussures et de leurs vêtements de ville, couronnés de fleurs et parfumés, les convives, servis par les esclaves , mangent avec les doigts sans fourchette et ni couteau. Les ablutions sont nombreuses, les esclaves passent des rince-doigts; chaque convive a apporté sa serviette. Des invocations avec libation (offrandes liquides aux Dieux) sont adressées au début du repas ou avant le dessert. A noter que les femmes pendant resteront exclues de la « cena” . Les femmes mariées conquerront le droit d’y assister au Ier siècle avant JC.

SOUS L’EMPIRE ROMAIN (27 avant JC à 192 après JC)

La littérature et l’histoire assimilant souvent les repas romains de l’époque impériale à de grossières orgies, font qu’on ne peut pas voir le Romain à table comme un « gentleman ». Ces allégations sont donc trop répétitives pour ne pas leur donner un peu de crédit. D’ailleurs, Sénèque écrivait « les Romains mangent pour vomir et vomissent pour manger ».

A l’époque impériale, les jeunes filles ont conquis le droit d’assister aux repas en compagnie des hommes et des femmes mariées. Le « jentaculum » ou « petit-déjeuner » est quelque peu modifié à cette époque. Sur les conseils des hygiénistes, les Romains prennent une simple coupe d’eau pour garder la ligne. Les régimes ne datent pas d’aujourd’hui ! Les services et les mets de la « cena » arrivent tous apportés au son d’instruments de musique. Et plus la musique est éclatante et plus les mets sont recherchés. En principe au cours de la « cena », qui au cours de notre période s’est encore améliorée et enrichie, 4 services sont proposés, coupés de danse, de jeux et de surprises. Le repas commence souvent par des oeufs et finit par des fruits.

Menu de banquet :
« Gustatio » et donc premier service :
– huîtres, huîtres épineuses, palourdes, mauviettes
– Poularde aux asperges
– Huîtres et moules en sauce
– Tulipes de mer noires ou blanches
« Prima Cena » et deuxième service :
– Spondyles, moules, orties de mer
– Bec-figues (oiseaux) rôtis
– Côtelettes de chevreuil et de sanglier
– Pâtés de poulets
– Bec-figues en sauce aux asperges
– Murex et pourpres
Alter cena et troisième service :
– Tétines de truie au naturel et en ragoût
– Hure de sanglier ou tête coupée de sanglier
– Poitrine et cols de canards rôtis
– Canards sauvages fricassés
– Rôtis de lièvres et de poulets de Phrygie (ancien royaume d’Asie mineure, l’Asie mineure correspondant grosso modo à l’actuelle Turquie)
Mensae secundae et quatrième service :
– Crème de farine
– Gâteau de Vicence (région italienne)

Les Romains aiment beaucoup le poisson, les huîtres, les pièces montées, les pâtisseries. Ils boivent des vins aromatisés et de vins de crû : Falerne, Massique, Cécube, vins de Chios (île grecque), de Lesbos (île grecque), etc. La gastronomie romaine atteint son apogée au II ème siècle. « Un cuisinier coûte plus cher qu’un triomphe » disait Pline. Mais il y a plus de goinfres que de gourmets.

Pour terminer sur les repas de l’époque impériale, deux recettes:
– Le plat renversé
Faire cuire à l’eau d’une part des bettes blanches émincées, des poireaux, du céleri, des oignons et des escargots; et d’autre part, des gésiers de poulets, des petits oiseaux et des saucisses. Laisser les oignons entiers; hacher les saucisses et les escargots avec des prunes de Damas et de petites andouillettes de Lucanie. Mettre les légumes avec les viandes sur des feuilles mauves, dans un plat grassement huilé. Mouiller de garum (assaisonnement de saumure de poisson), vin, huile et vinaigre. Porter à ébullition. Pendant la cuisson, ajouter du poivre, de la livèche (ache sauvage), du gingembre, et un peu de pyrèthre, le tout bien broyé et lié avec des oeufs. Servir avec une sauce de livèche, garum, vin, huile, liée à la fécule.

– Une recette de pâtisserie : l’assiette ornée
Prenez des laitues, lavez-les et frottez-les bien, puis pilez-les dans un mortier en y ajoutant du vin; tirez-les de là en exprimant le jus. Mêlez à ce jus de la belle farine; laisser reposer quelque temps, puis broyez cette pâte avec du saindoux et du poivre, aplatissez-la au rouleau, coupez-la par bandes que vous jetterez dans la friture très chaude et, en les retirant, faites-les égoutter sur une passoire.

SOUS LE BAS-EMPIRE (de 192 à 476 après JC)

Les lits de table se soudent les uns aux autres (lits en « sigma »). Mais beaucoup d’amphitryons (hôtes) suppriment les lits et leur préfèrent des coussins déposés à terre.
Le raffinement s’allie à la voracité de l’époque impériale. Par exemple Elagabal donne des des festins de 22 services ! Les 4 services de la « cena » sous l’époque impériale étaient déjà copieux, je vous laisse imaginer les 22 services de cet empereur romain. Les plats étant colorés à la fantaisie de l’empereur : dîners roses, émeraude, etc. Un cadeau est même offert à quiconque présentera au souverain une recette inédite.

Sources : Le Guide romain antique.

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