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Un projet de musée, une volonté de diffusion des connaissances historiques… Assurément, vus de loin, de tels engagements, qui laissent croire à la découverte du passé, ne peuvent que susciter la sympathie et un intérêt de principe. Pourtant la “Maison de l’histoire de France” dont Nicolas Sarkozy vient d’annoncer, dans son discours des Eyzies (prononcé en septembre), qu’elle doit prendre place aux Archives nationales est un projet dangereux.

Ce danger découle de trois options hautement contestables : celle d’une France étriquée, celle du discours rétrograde qui sous-tend la Maison de l’histoire de France, et enfin, celle résultant du lieu d’implantation.

Une France étriquée. Il paraît bien surprenant aujourd’hui de vouloir limiter le projet d’un grand musée d’histoire du XXIe siècle à la seule “histoire de France”. Alors que la “mondialisation” des économies et des sociétés ne cesse d’être évoquée comme une contrainte pour l’ensemble des Etats-nations, comment imaginer qu’un musée d’histoire du XXIe siècle ne donne pas à cette échelle une place centrale pour aider les citoyens à se repérer dans un espace large, dans son historicité ? (…)

La seule justification à limiter une “maison de l’histoire” à la France tient dans la continuité du discours néonational du pouvoir : une telle maison serait en quelque sorte la vitrine historique de la supposée “identité nationale” dont l’incantation ne cesse de mobiliser les esprits depuis 2007 avec des implications terribles pour les plus vulnérables et déshonorantes pour ceux qui leur donnent réalité.

La vitrine historique de l'”identité nationale”. Si l’échelle privilégiée est celle d’une France rabougrie, c’est, en conséquence, moins le résultat d’une réflexion pédagogique, savante et critique que de la mise en place d’un projet fondé sur la peur de l’autre et que le pouvoir exprime dans un mouvement de repli sur soi.

A une pseudo-“crise identitaire” du pays, un remède tout aussi “identitaire” est supposé nécessaire : une injection rassurante de roman national. Il suffit de lire les rapports (Lemoine 1 et 2, 2008, Hébert, 2010) qui ont préparé le projet de musée, pour y trouver cet appel à une histoire centrée avant tout sur l’Etat-nation et les grands hommes, à la recherche de “l’âme” et des “origines” de la France. (…)

Les soussignés appellent donc à la suspension de ce projet tant qu’il n’est pas repensé dans un esprit d’ouverture en prise avec une recherche historique de notre temps.

Le Monde

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