Yaourts, viande, plats préparés… En un an, chaque Français jette en moyenne 7 kg de produits encore emballés, non entamés(1) ! Un gaspillage alimentaire et un scandale environnemental et social.
Un chiffre étonnant et écoeurant qui ne tient pas compte, par exemple, du pain rassis, des fruits et légumes avariés et des restes cuisinés qui finissent bien souvent aux ordures. De surcroît, cette statistique n’inclut pas les productions agricoles jetées directement après la récolte sans être distribuées ou récupérées.
Tout compris, le gaspillage alimentaire représenterait au minimum une vingtaine de kilos de déchets par an et par personne. Nos voisins britanniques estiment, selon une récente étude(2), qu’un quart des produits alimentaires achetés finissent dans la poubelle des ménages.
Or, l’Organisation Mondiale de l’Alimentation (FAO) affirme que 90% des gens n’auraient pas conscience de la quantité de nourriture qu’ils jettent et des ressources nécessaires à sa production et transformation. Ainsi, qui sait que derrière une baguette de pain rassis jetée à la poubelle, c’est une baignoire d’eau que l’on gaspille indirectement, volume d’eau qui a été nécessaire à sa production(3) ? Alors que cette même baguette aurait pu éviter d’être rassis en étant conditionnée au congélateur et quand bien même elle pourrait accompagner une soupe.
Un constat environnemental alarmant
Pertes de productivités, pertes pendant le stockage, gaspillage… Du champ à nos assiettes, l’ensemble des pertes est estimé au total à 55% de la production agricole mondiale(4).
Ce sont donc plus de la moitié des terres agricoles qui sont exploitées inutilement à cause du gaspillage alimentaire. Pour Lionel Vilain, chargé de mission agriculture pour France Nature Environnement, “il ne faut pas oublier que le gaspillage alimentaire représente autant de pollutions des sols inutiles ou de consommation d’eau pour irriguer ces mêmes terres. Il est certain que des économies très importantes pourraient être réalisées, économies qui permettraient probablement d’éviter d’avoir à doper la production agricole à grands coups de pesticides ou de déforestation, sans compter également les bénéfices économiques et sanitaires pour la population“.
Il faut également prendre en compte le bénéfice climatique en ce qui concerne les émissions de carbone évitées. Toute production alimentaire non consommée a utilisé de la terre, mais aussi de l’eau, de l’énergie, des engrais, a émis des gaz à effet de serre. La transformation de ce même aliment, son transport, sa distribution et son emballage font appel à de l’énergie, des infrastructures, des machines, qui elles-mêmes ont également émis pollutions et gaz à effet de serre. Cette production alimentaire représente donc aussi des impacts environnementaux qu’il ne faut pas négliger.
De plus, dans le cas de la viande, le gâchis est intolérable : l’origine de cette nourriture ne doit pas être oubliée tant les dommages sur l’environnement sont nombreux et la souffrance animale une réalité. Rappelons que pour produire 1 kg de boeuf, 15 500 litres d’eau (environ 70 baignoires) ont été nécessaires !
Enfin, il ne faut pas oublier que leur fin de vie est aussi polluante (collecte et traitement de ces déchets) et influe sur les pollutions de l’air et les émissions de gaz à effet de serre.
Des déchets coûteux et polluants
Le gaspillage alimentaire généré par la grande distribution, la restauration, les ménages, sont des déchets évitables par une meilleure gestion des aliments, de leurs filières et de leur réseau de distribution.
Jeter de la nourriture, c’est surcharger les incinérateurs et les décharges. Selon Pénélope Vincent Sweet, pilote du “Réseau Prévention et gestion des déchets” au sein de France Nature Environnement, “Une moyenne de 20kg de nourriture gaspillée par habitant représente 1 200 000 tonnes de déchets par an qu’on aurait pu éviter en France. Cela représente également une quantité importante de gaz à effet de serre liée à l’élimination de ces déchets inutiles par incinération ou mise en décharge.” Pour se faire une idée, 1 200 000 tonnes de déchets représente près du double du tonnage annuel de déchets traités par la plus importante usine d’incinération française : celle d’Ivry sur Seine !
Un scandale social
En France, près de 8 millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté et sont réduites à la consommation de survie qu’impliquent les quelques 949 euros mensuels(5) dont dispose une personne seule, pour se nourrir, se loger, se vêtir. 3 millions d’entre elles dépendent, exclusivement ou en partie de l’aide alimentaire pour se nourrir et nourrir leurs proches.
Rappelons-le : une large partie de l’approvisionnement des associations françaises d’aide alimentaire provient de dons de produits et de la récupération d’invendus auprès des acteurs agro-alimentaires, ainsi que d’un programme européen de gestion des surplus de productions agricoles retirées du marché pour ne pas faire s’effondrer les cours (retraits agricoles). Ce programme, le PEAD, Programme Européen d’Aide aux plus Démunis, se fait au profit des structures caritatives.
A titre d’exemple, le réseau des épiceries solidaires (A.N.D.E.S) a créé, depuis 2008, des chantiers d’insertion sur les Marchés d’Intérêt Nationaux, qui récupèrent chaque jour des fruits et légumes invendus et les redistribuent à l’ensemble des associations caritatives régionales.
Les bénéfices de ce dispositif sont multiples. Il permet d’améliorer et de diversifier l’alimentation des personnes en situation de précarité, en leur proposant des produits auxquels elles n’ont pas accès dans les circuits commerciaux, tout en luttant contre le gaspillage de denrées encore parfaitement consommables. Cela valorise le travail de l’ensemble de la chaîne alimentaire, de la production à la distribution, en évitant un gaspillage financièrement et écologiquement coûteux.
Le potentiel de valorisation des retraits agricoles est énorme : selon une étude menée par l’A.N.D.E.S. en 2008, seuls 8% des fruits et légumes retirés des marchés sont distribués à des associations caritatives.