Qui, des États ou des créanciers, doit payer la note de la dette ? A cette question centrale dans le feuilleton sans fin de la banqueroute européenne, on a donc la réponse : ce sont les contribuables qu’on saignera, et les banques qu’on sauvera. Comme aux États-Unis. En l’occurrence, il s’agit des banques irlandaises, que Dublin avait déjà gratifié d’une aide de 50 milliards d’euros, mais aussi – et surtout – des plus grandes banques de l’Union européenne… très exposées en Irlande, de même qu’en Grèce et dans tous les pays dits « périphériques » (voir ce tableau).
Après s’être fait prier pour sauver les apparences, le gouvernement irlandais a donc capitulé sans conditions. Provoquant l’ire de tout un pays. De toute façon il n’avait pas le choix, c’était ça ou provoquer la faillite de l’euro et de l’Union, nous a expliqué le président du Conseil de l’Europe Hermann van Rompuy.
Et puis que pèse la souveraineté d’un petit pays comme l’Irlande face au monstre idéologique et politique qu’est l’Europe de Bruxelles, qui plus est appuyée par le FMI ? Pas grand chose : il n’y a qu’à voir comment on l’a fait voter une deuxième fois sur un traité constitutionnel européen qu’elle avait pourtant rejeté par référendum…
Je laisse le mot de la fin à Jean Quatremer, fédéraliste convaincu bien connu des cercles européens : « Cette aide européenne sera donc bien une aide aux banques irlandaises. Ce qui pose un vrai problème moral : est-ce aux citoyens européens de voler au secours d’un gouvernement totalement responsable de la faillite de son secteur bancaire et qui a fait le choix de le sauver quoi qu’il en coûte ? Certes, il s’agit d’un prêt, mais tant qu’il ne sera pas remboursé, il y aura un risque pour l’ensemble des contribuables de la zone euro.
Ne pas faire payer les banques et leurs actionnaires, en restructurant la dette bancaire irlandaise, est pour le moins choquant, quel que soit le risque systémique. Offrir aux marchés (et donc notamment aux banques de l’Union) les bretelles ET la ceinture qu’ils exigent, c’est leur offrir une victoire en rase campagne. Et c’est signer la capitulation du politique ».
(Merci à Boum)