A sa manière douce, Jacques Delors, l’ancien président de la Commission européenne, ne décolère pas contre les États membres qui ont refusé à de nombreuses reprises les transferts de souveraineté au profit de l’Union européenne. Dans un entretien publié dans Le Monde daté du mercredi 8 décembre, il juge que « les 16 membres de la zone euro n’ont pas été capables d’une vraie coopération. Ils ne réalisent pas qu’ils ont un bien commun à gérer : l’euro ».
Il préconise de créer « des obligations publiques européennes non pour combler les déficits, mais pour financer des dépenses d’avenir », l’institution d’un « fonds d’aide conjoncturelle à mettre en œuvre dans les phases de faible croissance » et « une caisse d’amortissement qui prendrait une partie du déficit de chacun des 16 Etats », afin de dégager des marges pour le soutien de leur activité.
Jacques Delors estime que des sanctions sont indispensables contre les Etats laxistes. « Les sanctions les plus logiques, dit-il, seraient de priver des fonds d’aide structurelle – pour partie et provisoirement – les pays qui ne pratiqueront pas une politique saine. »
Il est aussi très remonté contre les conseillers des banques qui tétanisent les pays en leur intimant l’ordre de réduire leurs déficits, puis en s’alarmant de la panne de croissance qui pourrait en résulter. « Ce n’est pas aux banquiers qui ont reçu des Etats, comme prêts ou garanties, 4.589 milliards d’euros de dicter aux gouvernements leur comportements, s’emporte-t-il. La politique doit être l’ultime référence. »
Il appelle à combattre le « capitalisme financier », celui qui a fait du marché et de la création de valeur l’alpha et l’omega de la vie économique et qui « a provoqué la crise mondiale ». Il entend défendre « l’autre » capitalisme, « celui de la production des biens et services, de la vraie création de richesses ».
Jacques Delors ne regrette pas d’avoir soutenu la création de l’euro qui « nous a protégés contre nos laxismes », mais qui n’a pas stimulé l’économie européenne, en l’absence d’un pacte de coordination économique et en raison d’une focalisation excessive sur les indicateurs d’inflation et de déficits.
« Pessimiste actif », il prédit le pire si… « l’Europe se laisse aller, traversée comme elle l’est aujourd’hui par ces effluves populistes et nationalistes, c’est le déclin assuré, même si nos gouvernants ne s’en rendent pas compte. Et même le meilleur élève de la classe européenne [l’Allemagne] y laissera des plumes… »