A chaque crime mettant en cause un juif et un musulman, les médias n’hésitent pas à donner, parfois à tort, dans la lecture ethnique. Mais quand il s’agit d’un Antillais face à un Africain, comme c’est le cas au Blanc-Mesnil avec le meurtre de Claudy Elisor, rien de tel.
Au détour d’une dépêche AFP, reprise par certains sites de presse, on apprend que le suspect principal serait « d’origine africaine ». LeParisien.fr signale lui que son prénom est Ibrahim. Naturellement, dans les commentaires des articles, on lit des remarques au ton xénophobes voire racistes. Cela dit, ces commentateurs ne représentent qu’eux même.
On aurait pu s’attendre à ce que les médias face une lecture ethnique de ce fait divers. Il n’en est rien. A chaque crime mettant en cause un juif et musulman, les médias cherchent pourtant une motivation raciste.
A l’inverse, dans l’affaire Elisor, la question ethnique ou religieuse disparaît. Certes, des médias ont interrogé des personnalités évoquant la question mais aucune ne titre sur cela. Le traitement est plus subtil, tout est dans la hiérarchisation.
Exemple avec cette dépêche du groupe Hersant Médias qui détient de nombreux titres Outre-mer. Dans l’article, Patrick Karam, délégué interministériel à l’égalité des chances pour les Français d’Outre-mer, dit avoir demandé au ministre de l’Intérieur de faire preuve de « détermination pour accélérer l’enquête et éviter des affrontements communautaires. »
Il a tenu les mêmes propos à l’AFP, dans la dépêche qui signalait l’origine africaine du suspect : « Je demande à toute la communauté ultra-marine de garder son calme et de ne pas tomber dans une opposition communautariste, les agresseurs sont des voyous, cela n’est en aucun cas lié à leurs origines ». Dans les deux cas, les dépêches titrent sur le fait-divers en lui-même et les arrestations de suspects.On pourrait croire à une salutaire prudence des journalistes. Ils auraient pu alors commencer bien plutôt et retenir les leçons de l’affaire du RER D.
Les tensions communautaires sont-elles pour autant une invention médiatique ? Joint par Marianne2, Patrick Karam a réitéré ses craintes d’une « confrontation inter-communautaire ». « Il suffisait de lire ce qu’il y a sur Internet, la situation est explosive », a-t-il ajouté.
« Ce qui n’est pas normal, c’est qu’une affaire avec des ultra-marins, c’est qu’on s’en occupe moins (…) Il y a un ressentiment qui existe », note Claudy Siar. Pourtant, il dément toute revendication communautariste : « Vous allez trouvez ça paradoxal, mais ce n’est pas faire de la racialisation que de dire que ça a marché moins vite pour nous ». Derrière ce fait divers, la fracture entre ultra-marins et métropolitains semble donc refaire son apparition. A supposer qu’elle ait un jour disparu.