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Combien les classes moyennes payent-elles d’impôt sur leurs revenus ? Et les ménages les plus riches ? Quelles seraient les conséquences sur la dette publique ou sur les inégalités si l’on augmentait, ou diminuait, ces niveaux. Pour répondre à ces questions, trois économistes français de renom (*) publient un livre, Pour une révolution fiscale, mais aussi un site Internet où chacun peut « faire sa propre réforme fiscale ». Un état des lieux très instructif, alors que s’engage le débat sur la réforme de la fiscalité française.

Les explications de l’économiste Thomas Piketty, qui appelle à une réforme pour plus de justice fiscale…

Comment est né ce double projet de livre et de site Web ?

Notre idée de départ est de permettre à chacun de s’emparer de la question des impôts. Après avoir travaillé de nombreuses années sur la répartition des revenus en France et à l’étranger, nous nous rendions compte que les débats sur la question sont souvent faussés par des propositions simplistes ou imprécises. Avec ce site, nous voulons que tout le monde puisse se faire une idée des projets de chacun, notamment dans la perspective la présidentielle de 2012.

Quel est votre diagnostic sur le système fiscal actuel ?

Pour la première fois, nous montrons clairement que le système actuel est inégalitaire. Les 500.000 personnes les plus riches sont imposées à 35% de leurs revenus, alors que les 50% les plus modestes sont imposés à 45%.

C’est notre impôt sur le revenu qui est à l’agonie. L’impôt pour lequel nous remplissons une déclaration chaque année rapporte deux fois moins que la CSG, qui taxe à la source l’ensemble des revenus à hauteur de 8% . La multiplication des niches fiscales et des réformes ont mité cet impôt sur le revenu, ils en ont percé l’assiette, et l’ont rendu complètement inégalitaire.

Que proposez-vous ?

Nous proposons de supprimer cet impôt sur le revenu, qui dans sa forme actuel est bien trop complexe. Il serait remplacé par l’actuelle CSG, en augmentant son taux. Il serait alors beaucoup plus facile de le rendre progressif en fonction des revenus, et donc plus juste. Et il serait prélevé directement à la source, empêchant les plus riches d’utiliser différents dispositifs pour échapper à l’impôt.

Ce serait un vrai changement de société. De nombreux débats, comme celui sur les retraites, sont aujourd’hui minés parce que les Français ont l’impression que les financements sont injustement répartis.

Nicolas Sarkozy a porté le débat sur la fiscalité du patrimoine, estimant qu’il vaut mieux imposer les revenus du capital que le capital lui-même. Qu’en pensez-vous ?

Tout d’abord, nous pensons que le capital doit être imposé autant que le travail. Ce qui nécessite aujourd’hui de taxer un peu plus le capital et un peu moins le travail. Je pense ensuite que les deux taxes ont leur utilité. Il faut continuer à taxer les revenus du capital, mais aussi le capital lui-même.

En effet, l’exemple de Liliane Bettencourt nous a montré que les ménages disposant des plus gros patrimoines réussissent à placer leurs revenus du patrimoine dans des sociétés dédiées et à éviter les impôts. Taxer directement les plus gros patrimoines permettrait de faire contribuer chacun proportionnellement à ses revenus.

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(*) Camille Landais est chercheur à Stanford. Il est notamment l’auteur de Les Hauts Revenus en France , 1998-2007 : une explosion des inégalités (École d’économie de Paris, 2007).

Thomas Piketty est professeur à l’École d’économie de Paris et directeur d’études à l’EHESS. Il est notamment de l’auteur des Hauts Revenus en France au XXe siècle. Inégalités et redistributions, 1901-1998 (Grasset, 2001) et de Top Incomes. A Global Perspective (avec A. B. Atkinson, Oxford University Press, 2010).

Emmanuel Saez est professeur à Berkeley. Ses travaux sur la fiscalité optimale et la répartition des revenus lui ont valu la Clark Medal en 2009.

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