Nicolas Sarkozy annoncera mardi le lancement d’un appel à projets portant sur cinq sites côtiers pour un investissement de 10 milliards d’euros. Industriels français et étrangers sont mobilisés pour cette compétition.
Les industriels français et étrangers attendaient le feu vert, plusieurs fois reporté, depuis des mois. C’est finalement Nicolas Sarkozy qui annoncera mardi à Saint-Nazaire (où il vient de signer avec la Russie l’accord de construction de deux navires de guerre Mistral) le premier appel d’offres pour construire des éoliennes au large des côtes françaises.
Le projet est d’envergure. Il s’agit d’installer quelque 600 éoliennes, sur cinq sites retenus, entre Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) et Le Tréport (Seine-Maritime). Elles développeront une puissance installée de 3.000 mégawatts (MW), soit la capacité de près de deux réacteurs nucléaires EPR.
À raison d’un coût de construction d’environ 3,5 millions d’euros par mégawatt (deux fois plus que sur la terre ferme), l’appel d’offres représente un investissement de 10 milliards d’euros pour les industriels candidats.
«L’annonce du président de la République donne un nouveau souffle au Grenelle de l’environnement», se félicite l’entourage de Nathalie Kosciusko-Morizet, laquelle devrait présenter le dossier au Conseil des ministres mercredi. La ministre de l’Écologie aurait obtenu lors de la réunion d’arbitrage, jeudi dernier à Matignon, de maintenir le périmètre de l’appel d’offres à 3.000 MW alors qu’Éric Besson, le ministre de l’Industrie, souhaitait le limiter à 2.000 MW.
Le Grenelle de l’environnement fixe un objectif de 6.000 MW de puissance installée en éolien offshore pour 2020.
Groupes hostiles
L’appel d’offres lui-même sera organisé dans les prochains mois sous la houlette de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) avec une mise en service des fermes éoliennes à l’horizon 2015.
Les grands opérateurs électriques européens, comme le suédois Vattenfall ou l’allemand E.ON, sont sur les rangs. Côté français, EDF Énergies Nouvelles et Alstom ont annoncé la semaine dernière un «accord exclusif» pour répondre ensemble à l’appel à projets. GDF Suez entend également entrer dans ce jeu très compétitif.
Sa filiale La Compagnie du vent mène d’ailleurs depuis cinq ans le projet de parc le plus avancé en France, au large du Tréport, lequel devra être remis en concurrence. Dans sa dernière version, le projet prévoyait d’installer 141 éoliennes de 5 MW à 14 km des côtes. De quoi alimenter 900.000 personnes en électricité.
Le débat public de quatre mois qui s’est achevé au Tréport et à Dieppe en septembre avait permis de trouver des compromis entre la filiale de GDF Suez et les opposants pêcheurs, élus locaux, défenseurs du paysage. Même si des éoliennes érigées à une dizaine de kilomètres du littoral apparaissent comme de grosses allumettes à l’horizon, les groupes hostiles restent plus mobilisés que jamais.
Jean-Louis Butré, président de la Fédération environnement durable (FED) qui regroupe quelque 735 associations et collectifs opposés aux turbines à vent, dénonce «un marché économique complètement faussé, qui ne vit que grâce aux subventions».
«Enfin, assure Jean-Louis Butré, nous assistons d’ores et déjà à des débats pas très sains qui vont conduire certains édiles à mobiliser toutes leurs forces pour éviter à leur région d’être concernée par ces éoliennes offshore». Allusion notamment à Philippe de Villiers qui a obtenu de l’Élysée d’écarter l’île vendéenne de Noirmoutier de la liste des sites.
Les ennemis de l’éolien dénoncent généralement le coût de cette énergie intermittente.
À la différence du photovoltaïque, note Alexis Chauffert-Yvart, coauteur d’un rapport du consultant PWC, il n’y a pas de risque de «bulle spéculative» car «l’éolien offshore sera un marché capé», autrement dit plafonné aux 6.000 MW du Grenelle de l’environnement.
Créer «une filière industrielle compétitive»
Par ailleurs, l’État ne fixera pas de tarif de rachat de la même manière que pour le solaire. Ce sont les opérateurs qui devront proposer un juste montant du kilowattheure, compromis entre un seuil de rentabilité et un prix de rachat acceptable par EDF. Un industriel européen estime que le prix du kilowattheure devrait osciller autour de 17 à 18 centimes. De quoi rentrer dans ses frais et commencer à gagner de l’argent au bout de dix ans.
Le prix du kilowatt/heure ne sera pas le seul critère retenu par l’État pour désigner les gagnants de l’appel d’offres. Il s’agit certes de développer «cette nouvelle forme d’énergie à un coût maîtrisé», explique-t-on dans l’entourage d’Éric Besson, mais aussi de créer «une filière industrielle compétitive». Pour l’emporter, les candidats seront aussi tenus de fournir des garanties en matière d’emplois sur le territoire.