Commençons d’abord sur le front de la situation monétaire interne, ensuite allons rebondir sur les remous géopolitiques en Asie, pour conclure sur l’état de rupture imminente des relations pacifiques sino-américaines et sur sa conséquence prévisible dans la zone euro.
Les propos rassurants de Hu Jintao ne doivent surtout pas induire en erreur les investisseurs : si Mark Faber avertit ses lecteurs d’une sous-performance à attendre de la part des pays de l’Asie en 2011, ce n’est pas pour rien.
Les chinois doivent subir en premier lieu un ralentissement de la demande extérieure. En vérifiant le BDI, le commerce international ne s’est pas relevé de sa chute de 2007. Il faut dire, qu’il n’est pas parti pour se relever, avec la crise qui affecte de plus en plus la solvabilité des clients occidentaux.
La baisse de la demande introduit la baisse de la rentabilité des capitaux. De plus, la situation politique en rajoute en fabriquant un cocktail réellement explosif. Au point, où Toyota cherche à fermer ses usines chinoises et à les rapatrier au Japon.
Les limitations à la prise des bénéfices dans les multinationales installées en Chine sont également à prévoir. Notamment de celles qui dépendent étroitement du marché local, car le gouvernement chinois réagit à la hausse du CPI en régulant les prix des denrées.
L’agroalimentaire et la grande distribution sont les premiers surpris et les premiers concernés. Trop tard. Carrefour, pour ne parler que de lui, doit s’aligner. C’est une manière de faire payer l’inflation des prix à la consommation à l’actionnaire. Actionnaire souvent étranger, il faut le dire aussi. Voici donc le premier lien avec la monnaie, le problème n°2.
L’autre problème, celui de la monnaie, est urgent. Les réserves en dollars et en euros se déprécient dans tous les jours. L’ensemble des pays de la région cherche à acquérir les yuans. Malgré la limitation, rien qu’à Hong Kong, la spéculation avec le Yuan atteint 400 millions USD par jour ! L’inflation interne de la Chine est en hausse depuis le début de 2010. Et pour cause, la Chine importe de l’inflation continuellement. Surtout via le dollar US et l’euro. 2011 marquera certainement un point de rupture, car les freins à l’importation de l’inflation doivent être mis au maximum. La stabilité politique interne de la Chine en dépend.
…mais sa fièvre militaire monte en flèche.
Commençons par un petit récapitulatif des opérations géostratégiques de la Chine en 2010 :
** Soutien à la Corée du Nord dans ses opérations militaires contre la Corée du Sud :
Deux fois, la Chine à évité des sanctions internationales contre la Corée du Nord. Dans l’affaire du bâtiment de guerre coulé et dans l’affaire du bombardement d’artillerie.
**Utilisation du monopole des Terres rares comme moyen de pression :
La Chine fait pression sur les acheteurs des terres rares. Notamment les économies de la région doivent s’aligner, le Japon en premier lieu. Des menaces d’embargo sont régulièrement soulevées.
**Réclamation de la possession des territoires riches en matières premières, situés en Mer de Chine Méridionale :
La Chine parle de l’intérêt national stratégique central (comme avant l’invasion du Tibet). De plus, la rhétorique à l’encontre des autres pays de la région se réduit à la mise en garde des petits pays par le Grand pays.
**Menaces proférées à l’encontre des entreprises américaines :
Les chinois menacent des sanctions économiques l’ensemble des entreprises US mouillées dans les ventes des armes à Taïwan. Une première…
**Démonstrations de la force militaire chinoise :
Plusieurs exercices militaires chinois de grande ampleur ont eu lieu en 2010 dans la région.
**Révélation de ses programmes aéronautiques militaires high-tech :
Pile au moment de la visite du Ministre de la Défense US, Robert Gates, les chinois ont dévoilé leur avion furtif.
**Déploiement des missiles balistiques visant les forces américaines :
Les chinois commencent les déploiements des missiles qui visent et les bases militaires US de la région et les porte-avions US naviguant dans la région. De plus, des nouvelles acquisitions des missiles anti-aériens mettent à mal les avions US, même les plus modernes, qui voudraient s’aventurer au dessus des possessions territoriales chinoises.
En dernier rappel, la Chine achète massivement des matériels étrangers. Notamment des produits qu’elle ne maîtrise pas encore suffisamment sur le plan technologique. Si ma mémoire est bonne, même une certaine entreprise française, fournisseur des équipements de détection intégrés dans les radars chinois, a été visée par un câble de wikileaks. Ce que la Chine ne possède pas encore, la Chine peut acheter pour le copier et développer dessus. Ne nous faisons pas d’illusion, le potentiel économique exceptionnel est là. L’intendance du high-tech ne fait que le suivre.
En conclusion, le changement dans les relations sino-occidentales est dans l’air.
La Chine s’apprête à modifier les relations avec les USA. La réunion entre Hu Jintao et Obama cette semaine est attendue comme un événement de rupture. Et pour cause, les chinois s’apprêtent à forcer les américains à changer les règles assurant la domination du dollar.
La « Chimerica » Chine + Amérique, était une chimère médiatique. En réalité, les intérêts géopolitiques des USA et de la RPC ne sont pas convergents mais antagonistes. Aujourd’hui, les chinois n’accepteront plus de se faire dominer par le dollar et sont en train d’expulser les USA de leur zone d’intérêts immédiats, sans que ces derniers puissent les contrer efficacement.
Les américains n’ont plus les moyens économiques et militaires pour retenir l’irrésistible ascension chinoise. Même la production des équipements militaires américains dépend étroitement de la sous-traitance chinoise et de la livraison des terres rares à partir de la RPC. Les armes de la supériorité tactique et stratégique américaine sont devenues une affaire de stock.
La victime toute désignée, dans un premier temps, c’est l’Europe. Les deux superpuissances vont accentuer leurs pressions sur la zone euro sans défense pendant tout l’année 2011. Les américains ne peuvent plus s’y maintenir, les chinois ne sont pas encore suffisamment forts pour reprendre la domination de l’UE. L’euro sera désormais sous sa pression maximum interne et externe. Interne, à cause de la dette et de la spéculation des banques, externe à cause de la domination étrangère. L’Europe n’a plus de défense, pas de politique, pas d’outil monétaire sérieux, pas d’appareil économique crédible. C’est donc l’Europe qui doit subir.
Très probablement, en attendant un affrontement militaire direct entre la Chine et les USA.
Le présent commentaire est rédigé, en prenant pour source majeure le WSJ Asian Edition du 17.01.2011, comportant les articles suivants : Hu takes confident tone on inflation : Hu Jintao (président chinois) se montre confiant au sujet de l’inflation. The coming clash with China : Le conflit à venir avec la Chine. Shore up america’s air superiority : Soutenir la supériorité aérienne US.