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Un an et demi après sa création, la commission d’enquête parlementaire sur la crise financière estime que celle-ci aurait pu être évitée, même si ses conclusions sont affaiblies par des opinions dissidentes.

Titanesque. Plus de 700 témoins auditionnés, des millions de pages de documents épluchées pendant plus d’un an : les dix membres de la commission créée, en mai 2009, par Barack Obama et le Congrès américain pour examiner les causes et le déroulement de la crise financière ont rendu jeudi 27 janvier un volumineux rapport de 545 pages.

Bien que ses conclusions soient affaiblies par la publication en annexe d’opinions dissidentes de quatre de ses membres républicains, le rapport n’en représente pas moins un réquisitoire accablant pour les régulateurs américains (FED, SEC…) et les principales firmes de Wall Street, l’ancien président de la FED, Alan Greenspan étant désigné comme l’un des principaux responsables de 30 années de dérégulation financière sauvage.

Véritable mine pour les historiens économiques, le rapport rédigé dans un style imagé, parfois émaillé de citations de Shakespeare inspirées par son président, Phil Angelides, retrace les origines de la crise qui a vu se volatiliser 11.000 milliards de dollars de richesse des foyers américains en concluant qu’elle était sans doute tout à fait «évitable».

Il y avait des signes avant-coureurs

«En dépit de l’opinion courante à Wall Street et à Washington selon laquelle la crise ne pouvait pas être anticipée ou évitée, il y avait des signes avant-coureurs. La tragédie a été qu’ils ont été ignorés ou minimisés», estime dans ses conclusions le rapport parlementaire.

En premier lieu, il stigmatise l’inertie de la FED, coupable de ne pas avoir «enrayé le flot de produits toxiques», alors qu’elle aurait très bien pu mettre en place des règles de prudence en matière de crédits immobiliers.

Particulièrement responsable aux yeux de la commission d’enquête : l’ancien président de la FED, Alan Greenspan, qui a refusé d’utiliser les moyens à sa disposition pour enrayer les pratiques prédatrices en matière de financement immobilier au prétexte qu’une limitation des financements «subprime» se serait avérée «nuisible» pour les marchés. En s’abstenant de mettre en place une réglementation en ce domaine dès 1994, il aurait largement contribué à favoriser la «bulle des subprimes».

En cause Goldman Sachs, avec la complicité des agences de notation

Parmi les principales firmes de Wall Street visées par le rapport, Goldman Sachs est ouvertement accusée d’avoir «démultiplié les effets de la chute du marché des subprimes» en jouant un rôle central dans la création et la diffusion des produits toxiques (CDO), notamment sous le «règne» de Henry Paulson, de 2004 à 2006, avec la complicité active des trois agences de notation Moody’s, Standard & Poor’s et Fitch.

En 2006, 600 milliards de dollars de prêts "subprime" ont été émis, pour la plupart titrisés. Cette année-là, les prêts "subprime" ont représenté 23,5 % du volume total des prêts immobiliers hypothécaires. Graphique : part des subprime dans le marché des prêts, prêts titrisés (gris clair), prêts non titrisés (noir).

«Au total, entre 2004 et 2007, Goldman a conçu et commercialisé 47 CDO synthétiques d’une valeur faciale cumulée de 66 milliards de dollars (…) Nombre de ces actifs risqués ont fini dans les bilans d’importantes institutions aux risques systémiques et ont contribué à leur effondrement ou leur quasi faillite au moment de la crise financière».

La SEC aussi reconnue coupable

Mais la Securities and Exchange Commission (SEC) est aussi reconnue coupable d’avoir largement contribué à cette dérive par son «médiocre contrôle des cinq principales banques d’investissement». De même, l’assureur AIG a profité de la «faiblesse» du régulateur des assurances, l’Office of Thrift Supervision pour diffuser des produits toxiques que le Président de la FED de New York, Timothy Geithner, qualifiait lui-même de «bag of shit» («sac de merde»).

«La crise a été le résultat d’actions ou d’inactions humaines, pas celui de la Mère Nature ou de modèles informatiques qui ont déraillé», conclut le rapport de la commission en considérant notamment que la mise en faillite de Lehman Brothers en septembre 2008 aurait pu être évitée et a fait plus de mal que de bien.

Au final, la commission rappelle que 26 millions d’Américains sont aujourd’hui sans emploi et que 8 millions de foyers ont vu leurs logements saisis ou sont parties prenantes à des procédures de saisies.

Evolution des rémunérations dans le secteur financier et dans le secteur non-financier. Les rémunérations dans le secteur financier depassent largement celles constatées ailleurs, un modèle pas vu depuis les années ayant précédé la Grande Dépression (le secteur financier est celui de la finance et de l'assurance).
Les Echos

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