Bonjour à tous ! La rubrique Desouche Histoire redémarre. C’est moi-même qui vais essentiellement la tenir en essayant de vous proposer des articles sur des sujets variés, de l’Histoire militaire à l’Histoire culturelle, de l’antiquité au XXe siècle (même si la grande majorité des sujets se répartiront sur le Moyen Âge et l’époque moderne). Je commence cette semaine avec la bataille d’Arsuf (ou Arsouf) qui vit s’affronter en 1191 un des grands noms de la Chrétienté, Richard Coeur de Lion, et le fameux Saladin dans le cadre de la troisième croisade… Bonne lecture !
A partir des années 1170, le monde musulman reprend le dessus sur les États croisés du Levant avec pour nouveau champion Saladin. La déroute des Croisés à Hattin (1187) permet au chef musulman de reprendre en quelques années presque toutes les forteresses de la région. Le 2 octobre 1187, Jérusalem tombe après 88 ans aux mains des Croisés, entraînant une intense émotion en Occident et le lancement d’une troisième croisade.
Fresque médiévale représentant un cavalier croisé chargeant avec sa lance un archer turc à cheval.
Les trois plus puissants souverains d’Europe y participent : le roi de France Philippe Auguste, le roi d’Angleterre Richard Coeur de Lion et l’empereur Frédéric Barberousse (qui ne parviendra pas à destination, se noyant dans le Selef – fleuve d’Anatolie – en le traversant). Richard et Philippe mettent le siège devant Saint Jean d’Acre qui tombe rapidement (3 juillet 1191). Philippe, alors gravement malade et s’entendant mal avec le roi d’Angleterre, décide de rentrer en France… Richard quant à lui poursuit la route vers Jérusalem.
I. La marche de Richard Coeur de Lion
Après la prise d’Acre par les deux souverains chrétiens, l’armée croisée se dirige en direction de Jaffa pour conquérir la côte puis reprendre Jérusalem des mains des Sarrasins. Richard Coeur de Lion fait preuve d’un sens stratégique indéniable en suivant un chemin proche de la mer dont la flotte chrétienne a la maîtrise. Le flanc droit est ainsi à l’abri ; quant au flanc gauche, il est protégé par des fantassins qui doivent affronter les flèches des cavaliers arabes. Si lors de la première croisade, les Européens avaient été surpris par cette tactique, ils connaissent cette fois la façon de s’en prémunir : il s’agit de ne pas tomber dans le piège tendu par l’ennemi, de résister à la provocation en supportant les tirs, sans quoi l’armée croisée serait désorganisée.
Les chroniqueurs musulmans admirent cette discipline militaire et voient les flèches atteindre les cavaliers stoïques de Richard, sans les tuer du fait de la qualité de leurs hauberts. La marche est néanmoins difficile, Saladin pratiquant la tactique de la terre brûlée, rasant les villages et détruisant les récoltes avant l’arrivée des Croisés. Heureusement, la flotte accompagnatrice possède de quoi ravitailler l’armée.
● Les forces en présence
Les estimations diffèrent : Richard aurait disposé de 10 000 à 20 000 hommes, dont 4000 chevaliers et 2000 turcopoles (Turcs combattant en tant que cavaliers légers dans l’armée croisée suite à leur conversion au Christianisme). Saladin quant à lui aurait eu sous ses ordres 50 000 à 80 000 hommes, avec une cavalerie de 40 000 hommes comprenant au moins 25 000 archers montés.
II. La bataille d’Arsuf
Saladin, pendant que Richard se dirige vers le Sud, rassemble toutes ses troupes et décide de tendre une grande embuscade dans la plaine d’Arsuf, à la sortie d’une forêt. Le choc a lieu le 7 septembre. L’armée de Richard est déjà en ordre de bataille : aux deux extrémités les plus opposées sont disposés les soldats les plus expérimentés, ceux des ordres religieux militaires ; à l’avant-garde les Templiers ; ensuite le gros de l’armée, composé de Bretons, d’Angevins, de Poitevins, de Normands et d’Anglais ; l’arrière-garde est tenue par les Hospitaliers. L’armée est divisée en deux colonnes, très proches l’une de l’autre, rangs serrés, l’une commandée par Richard, l’autre par Hugues de Bourgogne.
Vers le milieu de la journée, les troupes turques se décident à charger aux sons de tambours, de cris guerriers et de trompettes, tandis qu’une pluie de flèches s’abat sur les deux colonnes de Richard, tuant nombre d’hommes et surtout de chevaux. L’arrière-garde des Hospitaliers est particulièrement touchée, et le maître de l’ordre, Garnier de Naplouse, demande à de multiples reprises l’autorisation à Richard de charger. Richard refuse, souhaitant attendre le meilleur moment pour organiser une attaque générale. Mais le maître de l’ordre et un chevalier anglais, Baudoin Carew, ne supportent plus de rester dans une position qu’ils jugent humiliantes, voyant l’armée fondre autour d’eux. Ils se décident à charger les Turcs au cri de « saint Georges » emportant avec eux une partie de l’armée de Richard. Cet assaut improvisé par des chevaliers indisciplinés aurait pu, comme ce fut le cas dans un certain nombre de batailles, entraîner la déroute des Chrétiens ; or, il n’en est rien, c’est un succès.
Richard abandonne son plan initial et part immédiatement secourir cette charge inattendue. Il parvient à convaincre ses soldats de ne pas poursuivre l’ennemi afin de ne pas tomber dans son piège (fuite simulée puis volte-face lorsque l’armée est désorganisée) et ramène la cohésion dans les rangs. Saladin regroupe ses troupes et lance un assaut qui se brise contre les défenses reconstituées par Richard. Une attaque de Richard finit de chasser la cavalerie musulmane du champ de bataille. Le roi d’Angleterre n’a perdu que 700 hommes, Saladin dix fois plus.
La bataille d’Arsuf par Gustave Doré (1877)
III. La suite des événements
Arsuf paraît pour les acteurs de l’époque être la revanche d’Hattin (1187), défaite humiliante où les forces croisées avaient perdu la relique de la sainte Croix. Quatre ans plus tard, dans des circonstances relativement similaires, Saladin est incontestablement vaincu. Richard Coeur de Lion ressort de la bataille auréolé de gloire, ayant su transformer une situation imprévue (la charge des Hospitaliers) en une grande victoire. Saladin, au contraire, perd la confiance de certains de ses alliés : il ne paraît plus invincible. Saladin et ses alliés recourent alors davantage à la tactique de la terre brûlée et se refusent à affronter les Francs en bataille rangée. Il détruit ainsi la forteresse d’Ascalon qu’il juge non défendable pour se replier sur Jérusalem, objectif de Richard. Pourtant le roi d’Angleterre décide de se détourner de la ville sainte, on sait pas pour quelle raison : refus des contingents francs de continuer ? Conscience d’une faiblesse numérique face à l’ennemi ? Refus des seigneurs du Levant d’attaquer ? En janvier 1192, le roi d’Angleterre et son armée sont de retour à Jaffa. En juin 1192, Richard se ravise et tente une dernière fois de prendre Jérusalem, mais il doit se heurter au refus du duc de Bourgogne de coopérer. Le projet est abandonné et Richard signe une trêve de trois ans avec Saladin le 2 septembre 1192. Richard embarque pour l’Angleterre le 9 octobre tandis que Saladin meurt l’année suivante.
Sources :
Jean Flori. Richard Coeur de Lion. Le roi-chevalier. Payot, 1999.
Angus Konstam. Atlas historique des Croisades. Saint-André, 2002.