Un exploitant agricole ornais lui avait versé plus de 100 000 €. Le guérisseur, qui était jugé hier, écope de cinq mois ferme.
[…] L’agriculteur a le vertige, ses bêtes tombent malades, certaines meurent subitement. Les vétérinaires qu’il interroge ne comprennent pas ce qui se passe. Alors l’éleveur qui a vu une petite annonce, fait appel à un marabout et compte sur ses pouvoirs surnaturels. Le jeune quadragénaire se sent envoûté déjà depuis plus d’un an, il aurait même l’habitude de voir des voyants.Aussitôt appelé, aussitôt au chevet du paysan. Le marabout réclame immédiatement à son client 500 €. Ça, c’est la version du plaignant. Le guérisseur, placé en détention depuis début janvier, conteste le nombre de visites à la ferme, réfute le montant de l’argent perçu. La victime annonce au moins 106 000 € versés en un an. Lui estime ses honoraires à 800 €. Il nie avoir placé un oeuf sous le lit de l’agriculteur. OEuf qui, une semaine plus tard, a confirmé qu’il y avait bien problème dans l’exploitation.
En un an, l’agriculteur a déboursé plus de 100 000 € pour des « soins » qui n’ont jamais guéri le cheptel. Pour éviter d’alerter son banquier (1), il a sollicité sa mère qui, en échange de chèques, lui a remis du liquide.
À force de retraits, mère et fils ont fini par contracter des crédits à la consommation. Et surtout, « il m’a conseillé de vendre mon troupeau et de lui donner l’argent de la vente le temps qu’il travaille sur mes problèmes, explique la victime du bout des lèvres. Je n’ai jamais revu l’argent ! » Aujourd’hui, l’exploitation est sous le coup d’un redressement judiciaire prononcé par le tribunal d’Alençon.
Où est passé l’argent du paysan ? Nul n’a su le dire. Le procureur de la République Chantal Moulin-Bernard a bien cherché à tisser des liens entre l’argent déboursé et les mandats que l’accusé envoyait à des compatriotes sénégalais.
L’avocat de la défense, Philippe Laferrerie, a comparé lui aussi les deux sommes, « elles ne coïncident pas. Que mon client ne veuille pas donner le nom des destinataires, ça se comprend. D’autant plus que ce n’est pas à lui de faire la preuve de son innocence », a-t-il conclu en plaidant la relaxe.
Le tribunal a reconnu Ibrahima Savane coupable d’escroquerie. Il l’a condamné à 10 mois de prison dont cinq assortis d’un sursis avec mise à l’épreuve pendant deux ans, l’obligation étant de rembourser la victime. Il aura aussi à l’indemniser pour le préjudice moral, à hauteur de 5 000 €. Le tribunal a ordonné son maintien en détention.