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Nous étions habitués, jusqu’il y a quelques années, à voir le progrès comme étant un mécanisme irréversible, un mouvement historique allant toujours vers une amélioration des conditions de vie de la majorité de la population. Les trente glorieuses avaient donné cette illusion à toute une génération qui n’eut de cesse, une fois au pouvoir, de démolir souvent sans le savoir, les sources mêmes des progrès dont elle avait bénéficiés.

Car le progrès, contrairement à ce que pense certains hurluberlus, n’était pas le fruit de la providence, du hasard, ou d’un quelconque sens de l’histoire, il était le fruit de politiques menées consciencieusement par la génération qui avait été éduquée dans le sang et les larmes de la seconde guerre mondiale. L’état providence fut le fruit d’un esprit collectif renforcé par des évènements historiques et par les effets d’une compréhension nouvelle de l’économie, issue de la crise de 1929 et des multiples déboires qu’elle avait provoquée.

Cette immense tabula rasa économique que furent la seconde guerre mondiale et la crise de 1929 ont été le moment historique qui permis à ces idées nouvelles de monter au pouvoir pour changer drastiquement les façons de faire de l’économie, et la manière dont étaient organisées nos sociétés. Malheureusement cette société des trente glorieuse ne pût maintenir les conditions de son fonctionnement culturel, la paix et la prospérité engendrant de nouvelles générations dont l’esprit n’avait plus rien avoir avec celui de leurs aïeux.

Ainsi marche l’histoire, l’éducation des générations faisant les changements historiques, les nouvelles subissant les effets des choix précédents, elles ne peuvent en tout point se comporter de la même manière.

Mais cette démolition systématique des structures de l’état moderne par la génération du baby-boom à cependant mis du temps à être réellement visible car tout un tas de mécanisme ont permis à la société de vivre comme si de rien n’était. Que ce soit aux USA ou en Europe on a arrosé la population de revenus dont la provenance résultait de moins en moins d’un travail réellement productif et de plus en plus de la rente financière ou de l’endettement public et privé. La production sous toutes ses formes ayant petit à petit disparu de nos territoire sans que pour autant nous en soyons réduit à devoir nous passer de l’essentiel.

Le niveau de vie pour la caste supérieure a même continué à augmenter alors que pourtant les sites de production fermaient en grande quantité. Les états industriels d’occident avaient de beaux restes et ont longtemps résisté à la folie qui consistait à détruire toutes les structures d’organisation du commerce et de régulation. L’appât du gain à court terme, allié à l’idéologie laissez-fairiste à fait le reste, l’occident n’étant plus aujourd’hui qu’un cadavre peuplé d’usines désaffectées et d’un secteur tertiaire hypertrophié caractéristique des pays du tiers-monde.

L’essentiel des produits consommés en occident est aujourd’hui importé même s’ils peuvent parfois être fabriqués par des entreprises officiellement occidentales, les usines sont en Asie, quant aux bénéfices ils sont dans les paradis fiscaux, la libre circulation des capitaux permettant cette aberration.

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Il suffit de voir l’évolution d’un pays comme la France pour mesurer le drame dont il s’agit. Notre pays  est passé de près de 30% de part pour l’industrie dans la valeur de son PIB à seulement 18% en 2005 (voir le graphique), en 2007 la part de l’emploi industriel en France était de seulement 14%, on était pourtant encore à 25% en 1997 !

Bien évidement ce déclin de l’industrie n’est pas le fruit d’une subite prise de conscience des problèmes écologiques, la consommation n’a pas suivi notre industrie et n’a pas reculé, elle a même continué à croître. Le résultat est un gonflement de notre déficit commercial dont la valeur en proportion du PIB ne doit pas cacher le poids dramatique. En effet par nature les importations en provenance d’Asie ont une valeur extrêmement faible à cause de la sous-évaluation des monnaies locales. Si l’on parle en quantité et en proportion de consommation les chiffres sont nettement plus parlant et en disent long sur la réalité industrielle de nos pays.

Il suffit du reste pour tout un chacun d’aller faire ses courses pour voir que bien peu de produits que nous consommons couramment sont encore fabriqués en France. Évidemment ces importations gonflent artificiellement la productivité du travail d’un point de vue comptable, en réalité les emplois industriels étant partis, la productivité n’est plus qu’une vue de l’esprit. Il est bien difficile de comparer la productivité d’un vendeur avec celle d’un ouvrier.

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Mais la France n’est qu’un exemple parmi d’autres, même l’Allemagne dont la valeur des exportations a augmenté cache mal sa désindustrialisation manifeste. Elle aussi a des déficits commerciaux avec l’Asie, le nouveau centre du monde industriel, seulement ces déficits sont cachés d’un point de vue comptable grâce à ses excédents avec ses voisins européens et les autres pays occidentaux. Disons que l’Allemagne est un peu le dernier des Mohicans, elle est condamnée comme les autres, mais elle tombera en dernier.

Je disais donc que l’occident avait caché sa dévastation industrielle  grâce à ses multiples emprunts et à l’illusion financière, mais nous avons aujourd’hui atteint les limites de ce qu’il était possible de faire en terme d’endettement extérieur. Les effondrements à la chaîne en Europe ne sont pas encore stoppés car en réalité le coeur du problème n’a pas été résolu, en maintenant le libre-échange la seule solution pour équilibrer les comptes extérieurs est de limiter la demande intérieure.

Ainsi l’accroissement du chômage, la baisse des salaires et la démolition de l’état providence sont les seuls mécanismes capable de maintenir l’équilibre commercial dans le cadre libéral. C’est bien évidement la seule solution que les libéraux et les doctrinaires en place proposent, et la recette est d’ailleurs appliquée en France depuis les années 80.

En effet, la France a réussi pendant quelques décennies à maintenir son commerce extérieur malgré sa désindustrialisation manifeste en faisant exploser son chômage. Ce n’est qu’au début des années 2000 que la France a commencé à avoir des déficits extérieurs, l’euro rendant inopérant l’équilibre commercial par la contrition de la demande. A ce petit jeu c’est l’Allemagne qui a gagné en comprimant plus que les autres sa demande intérieure, il faut dire que sa démographie lui permet de maintenir un chômage à bas niveau même avec une stagnation du nombre d’emplois.

Cet “avantage” démographique est en réalité au coeur du succès apparent de l’Allemagne, en effet même en détruisant des emplois industriels le recule de la population active permet de montrer des chiffres du chômage avantageux. De la même manière en maintenant simplement la production la baisse de la demande intérieure permet une hausse des excédents commerciaux, c’est en fait la faiblesse et la diminution du nombre d’Allemands qui nourrit mécanique les excédents de ce pays. Cette baisse démographique permet également un plus grand investissement par tête.

Si l’Allemagne avait la démographie français, elle aurait un taux de chômage largement plus important que notre pays avec la politique qu’elle a menée. Mais pour en revenir à la France, les effets des trente piteuses comme ont appelé certains la période des années 80 à nos jours, sont aujourd’hui bien difficiles à cacher. Ainsi cet article de Marianne qui est sortie aujourd’hui montre la profonde dégradation de la situation de l’emploi dans notre pays. Bien au-delà du chômage c’est de la question de la rémunération dont il est question, et l’évolution du niveau des revenus des français montre la dégradation considérable des conditions de travail dans notre pays. L’article dit ainsi:

“C’est l’un des titres de FO-hebdo cette semaine : un quart des 25 millions de salariés gagnent moins de 9 000 euros annuels. Soit 6,25 millions de personnes gagnant 750 € par mois, 73 % du SMIC. “

Incroyable mais vrai, les journalistes semblent découvrir maintenant la réalité économique d’un pays en voie de paupérisation. Cette réalité n’échappe pourtant pas aux plus jeunes qui malgré un niveau scolaire largement supérieur à leurs aînés ont bien du mal à trouver des emplois stables quand ils en trouvent ou des revenus correctes. Il y a une marge considérable entre l’image que se font généralement nos élites de la situation économique du pays et sa réalité.

Bien évidement l’explosion sociale a été jusqu’ici évitée grâce aux multiples redistributions et à l’emprunt publique mais on sait aujourd’hui que la fête est finie, la France devant donner des gages aux marchés financiers.

Nos élites préparent déjà la grande purge qui maintient tant bien que mal le pays en vie et le système en place. J’ose à peine imaginer le jour où les retraites seront à 67 ans pour cause d’Europe, ou encore lorsque l’on annoncera la suppression du SMIC et des différentes aides sociales. Car très rapidement la consommation du pays devra s’aligner sur ses capacités de production, c’est à dire plus grand chose en définitive. Et  seule une réindustrialisation nous permettrait de nous en sortir mais cela demande du temps et une politique inenvisageable tant que l’UMPS est au pouvoir.

Le régime protectionnisme-dévaluation-planification n’étant toujours pas à l’ordre du jour chez nos illuminé héritiers de Mai 68. La France comme les autres pays d’occident est un pays en voie de sous-développement, c’est une nouvelle catégorie à ajouter aux multiples termes utilisés par les organisations internationales.

Ci-dessous l’évolution du solde commercial français

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Les futurs pays sous-développés d’occident

A vrai dire ce phénomène de désindustrialisation massive n’est pas une nouveauté historiquement, cela s’est même déjà produit au début de la révolution industrielle. Évidemment  les protagonistes étaient différents et les rôles souvent inversés en regard de la situation actuelle. Ainsi le malade de l’Europe aux 19ème siècle c’était l’immense empire Ottoman, celui là même qui avait effrayé les européens jusqu’à les menacer au coeur même de l’Europe au 17ème siècle avec le siège de Vienne.

En 1900 tous s’accordaient pourtant à dire que cet empire était mourant, mais sa maladie était en fait assez simple à diagnostiquer, l’empire avait subit de plein fouet les évolutions commerciales liées à la révolution industrielle. Car l’empire Ottoman jusqu’à sa mort fut libre-échangiste, c’était même la coqueluche des libéraux qui voyaient en lui l’exemple à suivre en matière commercial. Bien évidement ce n’était pas par conviction libérale que les ottomans pratiquaient le libre-échange, mais bien plus parce que les choses du commerce étaient peu intéressantes pour les dirigeants musulmans. Les musulmans dirigeants de l’empire, considéraient le commerce comme quelque chose de secondaire. Le fait est que la concurrence britannique fut une catastrophe pour la production artisanale ottomane, elle fut réduite à néant en quelques décennies.

Ce fut la même chose pour l’Inde qui était à l’époque une colonie britannique. Et en réalité tout les pays sous-développé du 20 ème siècle étaient en fait des nations qui avaient pratiqué ou maintenu le libre-échange au siècle précédent, on peut inclure la Chine dans le lot même si pour cette dernière l’ouverture des frontières fut essentiellement le résultat de pressions militaires occidentales.

Les nations développés du 20 ème siècle furent celles qui se protégèrent de la concurrence britannique du Japon des Meiji à l’Allemagne de Bismarck, en passant par les USA inspirés par le premier théoricien du protectionnisme Alexander Hamilton.  Seules les nations très attentives à leur industrie et à leur commerce ont connu réellement un progrès par la suite. Mais l’histoire est farceuse et il semble que les champions d’hier aient fini par oublier ce qui avait fait leur fortune, à l’image de la pauvre Grande-Bretagne dont nous avons vu l’état lamentable récemment.

Les avantages se sont semble-t-il inversés. Grâce à la possibilité de déplacer rapidement les usines, additionné au progrès très rapide des niveaux scolaires les ex-puissance en déclins sont aujourd’hui celles qui sont les plus compétitives sur le plan industriel et commercial. L’occident c’est l’empire Ottoman du 21ème siècle, il en prend en tout cas le chemin, se mettant à considérer le commerce et son équilibre comme quelque chose de secondaire à l’image des USA et de leurs déficits jumeaux. L’effondrement des revenus en France ne fait que commencer et c’est par les jeunes générations que la chute se produit, si nous continuons à ne pas voir la vérité en face nous courons à une véritable catastrophe.

Le Bon Dosage

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