Chine, Brésil, Inde et Russie tiendront un contre-sommet en marge du G20 Finances, le 18 février, à Paris. Ils ne veulent pas se faire dicter des mesures qui pourraient contraindre leur mode de développement.
À deux semaines de la réunion des ministres des Finances du G20, à Paris, la France affronte déjà la colère des pays émergents, Chine et Brésil en tête. Ils ont demandé à la présidence française l’autorisation de tenir un « minisommet » en marge du G20 Finances, dans un palace du centre de Paris, afin de défendre leurs positions, qu’ils jugent, à ce stade, peu conciliables avec celles des pays développés.
« Nous ne nous attendions pas à un clivage si marqué, si tôt », confie-t-on côté français. La colère des BRIC vise la liste des indicateurs de croissance, soumise par la présidence française aux autres pays du G20. Cette liste vise à noter les « bons » et les « mauvais » élèves en matière de commerce extérieur, de dette publique ou de déséquilibres des balances courantes, qui permettra de pouvoir leur adresser, d’ici à fin 2011, sous la houlette du Fonds monétaire international (FMI), des recommandations de politique économique.
Les pays émergents ne veulent pas se voir dicter par les pays développés du G20 des mesures qui pourraient contraindre leur mode de développement. Le pays le plus susceptible sur ce point est évidemment la Chine, qui refuse toute injonction extérieure. L’Inde, qui préside un groupe de travail sur les indicateurs de croissance avec le Canada, voit également d’un mauvais œil cette intrusion des pays riches dans ses choix de politique économique. Très offensif sur le plan du commerce extérieur, le Brésil se sent également visé par des recommandations qui pourraient l’obliger à réévaluer sa devise, le real, pour calmer la surchauffe intérieure.
Si elles suscitent de vives réactions, les initiatives de la France n’ont pourtant rien de surprenant. Elles s’inscrivent dans la droite ligne de la feuille de route fixée par le G20 au sommet de Séoul. Après la fin de non-recevoir adressée par la Chine et l’Allemagne aux propositions de Washington de limiter à 4 % les excédents ou les déficits courants, les chefs d’État et de gouvernement du G20 avaient mandaté la présidence française pour définir une liste d’indicateurs plus consensuels, d’ici le mois de juin, pour mieux diagnostiquer et traiter les déséquilibres d’une économie.
Afin de ne pas être stigmatisée au même titre que la Chine pour son modèle de croissance basé sur les excédents commerciaux, l’Allemagne insiste, notamment, pour que soient pris en compte le bilan carbone d’une économie et la flexibilité des taux de change, point très sensible pour Pékin.
La France a beau vouloir ménager la Chine, elle a dû se ranger aux arguments de Berlin. « Sur ce dossier clé du G20, tous les Européens sont sur la même ligne que la Commission, ce qui donne plus de lisibilité », se félicite un négociateur français. Les pays émergents, eux, ne veulent pas être contrariés dans leurs modèles de développement, souvent aidés par des interventions sur les changes, des exportations subventionnées, des accès aux marchés limités et un dédain pour la croissance verte, considérée comme un privilège de riches. Pour la France, cette bataille entre pays développés et émergents du G20 s’annonce rude à arbitrer.