Tribune libre de Paysan Savoyard
Chaque année dans de nombreuses écoles, les enseignants projettent à leurs élèves le beau film « Azur et Asmar », sorti en 2006. Ce n’est pas seulement en raison de ses qualités artistiques que ce dessin animé brillant mérite d’être conté en détail aux lecteurs du site Fdesouche qui ne l’auraient pas vu.
Si elle commence en France, l’histoire se déroule pour l’essentiel en Orient, à la fin du Moyen-âge. Entre les murs d’un château de la France profonde médiévale, l’héritier du seigneur, Azur, est élevé par une nourrice aux côtés du fils de celle-ci, Asmar. Il se trouve que cette nourrice est… arabe.
A l’adolescence, les frères de lait sont séparés : Azur est envoyé dans un collège, Asmar et sa mère, devenus inutiles, sont chassés par le châtelain. Azur et Asmar vont pourtant se retrouver, une fois adultes, dans le pays d’Orient où Asmar et sa mère sont retournés après avoir été renvoyés. Les deux amis s’entraideront pour aller à la rencontre d’une princesse orientale et conquérir son cœur.
Les ingrédients de ce beau conte sont bien propres à toucher le jeune public. Tout y est : les reflets chatoyants de cet Orient magique, les mosaïques ornant les palais, la couleur des épices et des étoffes, le scintillement des costumes. Qui plus est, les messages transmis par le film, qui porte sur des sujets « sensibles », sont généreux et positifs : malgré la différence des races, Azur et Asmar sont comme deux frères, également beaux, courageux et vertueux.Très bien. Cet hymne à la fraternité et à l’égalité des races ne peut que rencontrer l’adhésion.
Le film ne s’en tient pas là. A la fin du conte, Azur, qui est blond aux yeux bleus, épouse la princesse orientale. Asmar, le beau brun, convole lui avec une fée de type caucasien. Le film prend ainsi position en faveur du métissage : c’est son droit.
Mais, si les opinions présentées par le film se défendent, les procédés mis au service de ces messages bien pensants nous ont parus quelque peu contestables.
La France moyenâgeuse est ainsi présentée de façon peu enviable. Le châtelain et son entourage sont brutaux et frustes. Le château est sinistre et froid. On y vit dans la boue et le crottin. Le châtelain renvoie brutalement la nourrice, sans même lui permettre d’emporter ses affaires (fine allusion, peut être, aux comportements des employeurs français qui aujourd’hui, comme chacun sait, peuvent exploiter librement les travailleurs immigrés sans les payer, avant de les licencier sans préavis ni indemnités. A moins qu’il ne s’agisse de dénoncer les conditions ignominieuses dans lesquelles, nul ne l’ignore, les clandestins sont aujourd’hui expulsés en masse).
Hormis l’exécrable châtelain, un autre « gaulois » a un petit rôle dans l’histoire : c’est un mendiant, sympathique il est vrai, mais pour le reste médiocre, crasseux, laid, voleur et menteur. Un seul Européen s’en sort avec les honneurs : c’est l’un des deux héros, Azur. Et pour cause : il ne rêve que de rejoindre l’Arabie et de se marier avec une princesse au teint mat.
On le comprend d’ailleurs, tant cette Arabie constitue, par contraste, une contrée superbe et désirable. Certes on y trouve aussi des marginaux et des brigands. Mais ils ne ruinent en rien la beauté des lieux. Les villes, les palais et les souks sont somptueux et colorés. Autant le percheron qui galope lourdement au début du film est disgracieux et ridicule, autant les pur-sang arabes sont élégants et rapides. Le palais de la nourrice, devenue une riche marchande, l’emporte de loin par sa magnificence sur le manoir grisâtre du châtelain xénophobe. La ville coruscante que parcourent Azur et Asmar contraste violemment avec le rustique bouseux de la France profonde (au passage on notera le mépris pour le monde rural, systématique chez les intellectuels et artistes parisiens au nombre desquels le réalisateur du film).
Tandis qu’à l’image du châtelain, l’Europe moyenâgeuse est le lieu de l’intolérance et de la bêtise, le pays d’Orient est ouvert et cultivé. La belle ville qui sert de cadre aux aventures de nos héros possède une mosquée, bien sûr, mais aussi une synagogue et une église, et tout le monde vit en bonne intelligence. L’Europe est antisémite bien sûr. Le lettré juif qui va aider Azur et Asmar a dû la fuir et se réfugier en Orient, où il est au contraire respecté et admiré : les princesses mêmes viennent le consulter pour sa sagesse.
L’Europe, cela va sans dire, est macho et sexiste : la seule femme présente dans le château, la nourrice, est dans la position subalterne que les sociétés patriarcales européennes réservent aux femmes. Au contraire les femmes ont une place éminente en Orient. Elles sont déesses. Elles sont princesses. Quant à la nourrice, elle est devenue, grâce à son intelligence, l’une des notabilités les plus puissantes et respectées de la ville.
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Tout cela nous a paru tout de même un peu caricatural. Finalement ce film bien français, en dépit de ses belles couleurs, n’est jamais qu’un instrument de propagande.
Passons sur les invraisemblances historiques. On voit mal un châtelain français embaucher au Moyen-âge une nourrice venue du Levant. Mais le registre du conte autorise, et c’est heureux, toutes les libertés.
Ce qui est plus gênant, c’est l’empilage des contre-vérités manifestes. La place de la femme en pays d’islam n’a évidemment pas grand-chose à voir, par exemple, avec ce que le film évoque : les princesses et les riches marchandes gouvernant seules leur palais devaient être assez rares au Moyen Age. A notre connaissance, la condition de la femme la conduisait plutôt à connaître la polygamie et la vie de harem.
Si le propos du film nous semble globalement malhonnête, c’est que la situation du monde d’aujourd’hui est évidemment l’exact inverse de celle décrite par le dessin animé. Dans l’Europe actuelle, les musulmans peuvent pratiquer librement leur religion, tandis qu’en terre d’islam les chrétiens sont menacés et attaqués. Les juifs vivent sans encombre depuis plus d’un demi siècle dans les sociétés européennes ; dans le monde musulman, ils sont en guerre permanente avec les arabes (En 1973 à la suite de la guerre du Kippour, de nombreux juifs ont d’ailleurs fui les pays arabes pour venir s’installer… en France). En Europe, les femmes sont égales aux hommes : dans le monde arabe, elles doivent porter le voile.
L’auteur du film nous répondrait probablement que, son histoire se situant au Moyen-âge, il n’a pas cherché à décrire la situation du monde actuel. Cette argumentation ne serait pourtant guère convaincante. Le message du film (l’égalité des races, la fraternité, le métissage) n’est évidemment pas gratuit : il se veut actuel et concerne à l’évidence le monde contemporain. Dès lors les autres thèses du film ne peuvent qu’être interprétées comme désignant bien le monde d’aujourd’hui.
Nous ne savons pas quel est le parcours politique du monsieur qui a fait le film. Compte-tenu de sa maîtrise des techniques de propagande, il ne nous étonnerait pas qu’il ait été à un moment ou à un autre communiste ou gauchiste.
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Ce film a obtenu des financements publics (il a été soutenu notamment par la région Ile-de-France). Pourquoi pas. Même s’il use de procédés qui nous paraissent contestables, le réalisateur du film avait bien le droit d’y présenter les thèses qui sont les siennes.
Imaginons maintenant qu’un auteur ait envie de réaliser un film pour enfants dont la thèse serait de montrer, en utilisant le registre du conte, que la vie vécue dans les sociétés européennes est bien préférable à ce que l’on rencontre dans le monde musulman. Imaginons un dessin animé qui illustrerait l’opinion selon laquelle l’immigration est une mauvaise chose car elle déstabilise les pays d’accueil autant que les pays de départ.
Imaginons un film qui chercherait à montrer qu’une société multiculturelle et métissée ne constitue pas une perspective enviable parce qu’elle est source de troubles d’identité et de conflits civils. De tels films recevraient- ils des financements publics ? Obtiendraient-ils même le droit d’être produits ? Bien sûr que non. Celui qui voudrait réaliser ces œuvres serait rejeté et dénoncé par la totalité du monde de la culture et des médias. Il serait sans doute même traîné en justice par la haute autorité contre les discriminations.
Le problème est qu’Azur et Asmar n’est pas un cas isolé : les thèses qu’il présente sont tout simplement les seules à avoir droit de cité. La plupart des intellectuels, la quasi totalité des journalistes, la totalité des artistes, vont dans le même sens. Tout ce qui se dit, s’écrit, s’entend, se regarde, est à l’unisson : le cinéma, les téléfilms, le théâtre, la danse, les maisons d’édition, les livres pour enfants, la presse. C’est la « pensée conforme », articulée autour de ces deux ou trois affirmations de base : Premièrement, la France et l’Europe sont coupables (de leur passé, de leur richesse, de leur égoïsme…). Deuxièmement, les étrangers sont porteurs de valeurs dont nous devons nous enrichir. Troisièmement : à bas les frontières.
La propagande immigrationniste sait s’adapter aux différents publics. En direction des Français de souche qui n’auraient toujours pas compris que l’avenir, qu’ils le veuillent ou non, est au métissage et au multiculturalisme, elle déploie au quotidien une panoplie complète d’armes politiquement létales : condamnations morales, moqueries méprisantes, menaces pénales.
Lorsque la cible est enfantine, la propagande immigrationniste et métissophile doit adopter des manières plus doucereuses. Ainsi que l’avait montré le succès d’Azur et Asmar lors de sa sortie (1,5 million d’entrées), le bourrage-de-crâne à destination des électeurs en devenir est lui aussi bien au point.