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Comment voit-on, dans la communauté d’origine maghrébine du quartier de l’Epeule à Roubaix (Nord), l’embrasement survenu de l’autre côté de la Méditerranée ?

Celui qui veut appliquer le calque de la démocratie veut aussi appliquer des valeurs européennes, donc chrétiennes, à des pays musulmans. Et ça ne me paraît pas une bonne chose.

Entre les vitrines chargées de pièces de satin et robes de velours, les boutiques de téléphonie, les salons de thé, les quatre boucheries halal, la mosquée Bilal, le tout à 600 mètres de Croix, la ville des Mulliez, la famille fondatrice du groupe Auchan, l’une des premières fortunes de France, cinq habitants du quartier témoignent.

Lhoussain Tament, Français d’origine marocaine, 40 ans : «Le Maghreb pourrait être l’exemple révolutionnaire à suivre pour nous Français. Nous sommes aussi au bout du rouleau».

Ali Essaidi, Français, 38 ans, «né à Roubaix de parents marocains et marié à une Allemande», commerçant est très remonté contre la France «qui a perdu ses repères, ses valeurs. Comment donner l’exemple quand on n’est plus soi-même exemplaire ? Mon pays, celui qui défendait les faibles, les droits de l’homme, a joué la carte des puissants».

Ali Rahni, Français, né d’une famille algérienne, éducateur spécialisé : «Les islamistes ? Les a-t-on vus ? Vous pensez sincèrement que les Frères musulmans sont si puissants qu’ils vont instaurer un régime théocratique ? » ajoutant : «Roubaix a été un laboratoire démocratique au temps d’André Diligent [ancien sénateur et maire, catholique pratiquant, ndlr]. C’était un démocrate chrétien. Pourquoi ne pas s’en inspirer pour bâtir une social-démocratie musulmane ?»

Ahmed Isaoutan, 38 ans, six enfants, Marocain avoue avec «franchise» que son regard est peut-être «différent» des gens du quartier […]. «Vous comprenez, je suis d’abord musulman».

Fatima En-Nih, pénaliste, la quarantaine, née de parents marocains : « Il faut se souvenir de ce qui s’est passé en Iran. Une dictature tombe et elle est remplacée par une dictature religieuse. Ça fout les pétoches.» Elle ajoute : «La France n’a jamais pensé que ces peuples pouvaient se révolter. Ça ne concerne pas uniquement l’élite française. Mais tous les gens qui voyagent. “Alors, c’était bien la Tunisie ? Oui, super, il faisait beau et le buffet était extra.” Au fond, ça n’a pas beaucoup changé depuis cinquante ans : la France voit toujours le Maghreb avec le regard de l’ancien colonisateur. C’est juste inconscient».

Libération

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