Jean Raspail a trouvé dans l’actualité de ces derniers jours une promotion de choc pour la réédition du Camp des saints. Et ses partisans feront sans doute, dans l’arrivée de milliers de Tunisiens débarquant sur la petite île italienne de Lampedusa, un remake miniaturisé de son roman publié en 1973.
Visage taillé à la serpe, moustache et sourcils broussailleux qui donnent du crédit à sa conviction de descendre des Wisigoths, Jean Raspail, 85 ans, nous reçoit dans son appartement parisien situé dans une partie cossue du 17e arrondissement, où le choc des civilisations relève du domaine de la science-fiction.
Pourquoi cette vision apocalyptique du métissage ? “On ne cesse de vanter la diversité, alors qu’un métissage généralisé des cultures et des sangs est justement une attaque frontale contre cette diversité. Chacun fait ce qu’il veut, mais il faut savoir qu’en brassant les origines on engage une parcelle de son pays.” Il marque une hésitation sur le mot “sang”, maniant nerveusement son fume-cigarette. “Nous sommes tous formatés par le politiquement correct, même moi.”
On lui signale que sur Internet les sites d’extrême droite ont canonisé son Camp des saints.
Il feint la surprise, assurant qu’il n’appartient à aucune faction et que de nombreux responsables politiques de tous bords – dont François Mitterrand – l’ont remercié pour l’envoi du livre.”Si j’étais un type infréquentable, ils ne m’écriraient pas.”
Et quand on s’étonne du grand écart entre l’oecuménique “Qui se souvient des hommes…” – récit plein de compassion sur la disparition des Alakalufs dans le détroit de Magellan – et le sulfureux Camp des saints, l’écrivain précise que l’intérêt qu’il porte aux populations du monde ne signifie pas “qu’il faille les recevoir chez nous”. Au moment de clore l’entretien, on lui soumet l’hypothèse que sa France catholique et “charnelle” est bien plus menacée par la modernité que par les migrations. Réfutation vigoureuse : “Je ne suis pas le dernier des Mohicans. J’ai longtemps été un peu solitaire, mais les pensées commencent à s’exprimer, non seulement en matière d’immigration, mais aussi sur des valeurs fondamentales…”