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Par Antal E. Fekete, professeur de mathématiques et de statistiques, Université de Newfoundland (Canada) Gold University. Conférence donnée le 6 octobre 2010 au Munich Economic Talks.

Cela fait environ 9 ans que je prédis l’entrée de l’économie dans une récession qui se mue en une dépression et cela en utilisant un argument purement théorique. L’essence de mon argument est que les opérations d’open market de la Fed provoquent un déclin prolongé des taux d’intérêts qui sont responsables d’une destruction insidieuse du capital affectant tout autant le secteur financier que le secteur productif.

La cause immédiate de la dépression, c’est la destruction du capital. La cause ultime, c’est la politique monétaire des opérations d’open market. La chaîne de causalité est la suivante :

(1) Les opérations d’open market (en fait, des achats nets de Bons du Trésor) par la Fed sont prévisibles. Elles incitent les spéculateurs sur les obligations à récolter les profits sans risques offerts par cette prévisibilité.

(2) Les spéculateurs sur les obligations achètent des obligations anciennes et revendent les plus récentes : ce faisant, ils empochent la différence de taux d’intérêts. Ces cavaleries financières empruntent à court terme et inversement prêtent à long terme. En tant que telles, elles possèdent un caractère risqué inhérent. Cependant, la politique d’assouplissement quantitatif (Quantitative Easing) affaiblit le facteur risque en rendant les anomalies (qu’une courbe normale de retour sur investissement inverse) négligeables.

(3) Le spéculateur sur les obligations fait face au problème récurrent de repousser plus avant les échéances courtes de sa cavalerie financière en vendant des bons du Trésor. Les besoins extraordinaires du Trésor en financement et refinancement ainsi que la pression sur la Fed pour augmenter l’offre de monnaie s’additionnent pour rendre les changements de structure financière ultra-faciles pour le spéculateur qui progresse ainsi dans sa fuite en avant comme bon lui semble.

(4) Le résultat, c’est que les taux d’intérêts continuent de baisser. Quelque soit le nombre de d’obligations à long terme émises par le Trésor, les spéculateurs se les arrachent avant que l’encre qui sert à les imprimer ne soit sèche.

Et voici donc la solution à l’énigme Greenspan : les spéculateurs sur les actions ont un appétit de bons du Trésor presque illimité. Ils se portent bien tant qu’ils peuvent vendre des bons du Trésor en échange. Or, la limite ultime à l’appétit de la Fed pour les bons du Trésor est aussi quasiment illimitée. Les deux partis de spéculateurs se sentent donc en sécurité.

Dans mes autres écrits, j’ai expliqué comment une chute prolongée des taux d’intérêts à long terme provoque la dépression par la destruction non-discriminatoire du capital dans le secteur productif et dans le secteur financier. C’est un cercle vicieux : plus la Fed créée de monnaie et plus les spéculateurs sur les obligations vont récolter de profits sans risques et vont contribuer ainsi à la poursuite de la chute des taux d’intérêts.

La conséquence est un résultat exactement opposé à celui prédit par les monétaristes.

Ces derniers prédisent que la monnaie nouvellement créée par la Fed va affluer sur le marché des matières premières, y faire monter les cours et faire échec à la dépression dès sa naissance. Bernanke & Co. s’attendaient véritablement à ce que cela se produise. Or, ce n’est pas ce qui se passe. La nouvelle monnaie refuse de faire monter le marché des matières premières. Elle s’épand sur le marché obligataire où a lieu la fête.

Pourquoi prendre des risques sur le marché des matières premières, se demandent les spéculateurs, s’il est possible de miser sans risque sur le marché des obligations ? Et ainsi, ils empochent la monnaie, achètent des obligations et vendent un montant équivalent de bons du Trésor. Et conséquence de cette spéculation effrénée sur les obligations, les taux d’intérêts chutent, les prix chutent, l’emploi chute et les entreprises chutent et précipitent la faillite de toute l’économie.

Délit de cavalerie officiel

Certains pourraient objecter que la Fed peut court-circuiter le processus et couper l’herbe sous le pied des spéculateurs dans ce business lucratif. Tout ce qu’elle aurait à faire, c’est d’acheter des actifs à court terme directement auprès du Trésor. Cela inverserait la courbe de retour sur investissement et déséquilibrerait les parasites. Ma réponse à cette objection, c’est que ça ne risque pas d’arriver. Le Trésor et la Fed savent que ces observateurs vigilants regardent de près leurs moindres actions.

Toute tentative de vente directe de bons du Trésor par le Trésor auprès de la Fed leur ferait clamer « c’est de la triche !». Et en effet, ce serait bien la vérité : la vente directe de papiers émis par le Trésor à la Fed dégraderait le statut du dollar de monnaie non-convertible au statut de monnaie à cours forcé. Il y a une différence subtile, qui n’est saisie par un petit nombre de personnes seulement.

La monnaie à cours forcé est pire. Son augmentation arbitraire est décidée à huis clos. Elle n’a nul besoin de l’endossement de l’open market. Les monnaies à cours forcé ont une durée de vie plus courte parce qu’elles succombent plus facilement au syndrome de la mort subite.

Les monnaies non-convertibles sont de nature différente parce qu’elles sont créées ouvertement, en utilisant une sécurité achetée sur l’open market. Elles ont une durée de vie plus respectable. Tant que la conspiration officielle entre le Trésor et la Fed de délit de cavalerie est cachée au grand public, la monnaie non-convertible peut même prospérer. Les ventes directes des bons du Trésor par le Trésor lui-même à la Fed auraient pour conséquence de faire baisser le rideau qui sert à masquer le délit de cavalerie.

Le mécanisme de cavalerie est le suivant. Le Trésor émet une dette qu’il n’a pas l’intention ni les moyens de rembourser. Cette dette est utilisée comme « couverture » pour les billets de la Réserve Fédérale et ses dépôts que la Fed n’a d’ailleurs ni les moyens ni l’intention de ne jamais rembourser. Quand la dette du Trésor vient à échéance, elle est payée par un crédit de la Réserve Fédérale émis sur une garantie collatérale constituée par une nouvelle dette du Trésor. Quand le crédit de la Réserve Fédérale est présenté pour paiement, la Fed offre des bons du Trésor offrant un intérêt en échange. Ceci est un jeu truqué et dépasse la définition stricte du délit de cavalerie. Ni la dette du Trésor ni le crédit de la Réserve Fédérale ne sont émis en toute bonne foi. Ni l’un ni l’autre ne sont davantage remboursables que les tickets de Charles Ponzi ne l’étaient. Les deux sont émis pour hypnotiser un public crédule à la même manière de Ponzi.

Les dirigeants du Trésor et de la Fed connaissent leur leçon d’histoire. Ils savent bien quel fut le destin des assignats, du mandat, du Reichsmark sans parler du Continental. Ils savent qu’aucune monnaie à cours forcé n’a jamais survécu à « une chance excessive ». Leur seul espoir est que le destin du dollar non-convertible, comme prédit par Friedman, soit différent. Ils ne vont pas s’embarquer dans une aventure de politique monétaire qui implique des ventes directes de bons du Trésor par le Trésor lui-même à la Fed.

S’ils le faisaient, cela serait certainement la fin de l’expérience. Les étrangers comme les Américains commenceraient à se débarrasser sans cérémonie de leurs dollars et essaieraient d’acheter toute autre chose leur tombant sous la main. Ceci est un phénomène connu sous le terme de fuite dans les biens réels ou Flucht in die Sachwerte, Crack-up boom, Katastrophenhausse. J’évite sciemment d’utiliser le terme d’hyperinflation parce qu’il possède une connotation associée à la théorie quantitative de la monnaie, qui n’est pas véritablement une théorie. C’est un modèle linéaire qui tente d’expliquer un phénomène non linéaire.

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