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Le ministère de l’économie a adressé une note confidentielle à vingt parlementaires de la majorité triés sur le volet, en vue de la réforme fiscale sur l’ISF et le bouclier fiscal. L’ensemble des revenus des 100 foyers les plus riches dépasse le budget du ministère de la Culture. 91% de ces revenus sont issus de cessions de valeurs mobilières comme les actions. Objectif: convaincre d’abandonner l’ISF.

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C’est un chiffre qui va faire parler de lui. Car jamais l’administration fiscale n’avait dévoilé des statistiques aussi détaillées. Selon les données que Bercy a fourni à une vingtaine de parlementaires, les 100 Français les plus riches se partageaient 2,8 milliards d’euros, presque 20 milliards de nos ex-francs.

Ca plane pour ces bienheureux à mille kilomètres au dessus de la tête des Français de base. En 2008, le revenu fiscal de référence moyen de l’ensemble des contribuables plafonnait à 22 202 €. Chacun de ces 100 très riches gagnait donc en un an ce qu’un Français gagnerait en presque en 1,3 millénaire, ou 300 vies de labeur à raison de la nouvelle durée légale de 42 ans de travail…

Mais la note détaille également la nature de ces revenus. Et si le contribuable moyen doit boulonner pour gagner son pain quotidien, 85 % de ses revenus sont constitués de salaires, pensions et autres retraites (certes différés, mais des revenus du travail aussi), ces très très riches tirent eux l’essentiel de leur 28,7 millions d’euros en moyenne de leur capital: 94 % de leur ressource annuelle.

Et encore ces 28,7 millions d’euros représentent-ils le revenu fiscal de référence, celui qui a subi le rabotage des niches fiscales, dont les hauts revenus sont si friands. Ainsi, notait un rapport de la Commission des finances de l’Assemblée : « 50 des 10 000 contribuables dont les revenus imposables sont les plus élevés et dont le revenu fiscal de référence était de l’ordre du million d’euros. Cela a même été le cas de contribuables déclarant des revenus imposables parmi les 100 plus élevés du pays et auxquels le Trésor public a restitué, en moyenne, 230 euros au titre de leur impôt sur le revenu de 2006.»

Plus intéressante encore est cette note dans la mesure ou elle différencie les revenus du capital en deux. D’un coté la rente, qui est constituée des loyers, dividendes et autres coupons d’obligations, et de l’autre les plus-values issues de la cession de valeurs mobilières, autrement dit de la vente de titres. C’est cette dernière composante qui est la plus importante : elle représente pas moins de 91% des revenus de ces très riches, contre 2% pour la moyenne des contribuables…merci la bourse.

Une note anti-ISF

La note est loin d’être anodine, car elle détaille également la structure des revenus des assujettis à l’ISF. En pleine discussion sur la future réforme qui doit enterrer cet impôt, ô combien symbolique, elle offre aux partisans de la suppression de l’ISF un argument de poids vis-à-vis des députés de l’UMP encore réticents à l’égard de cette réforme: les 100 plus gros patrimoines taxés à l’ISF gagnent beaucoup moins que les 100 plus gros contribuables. Bref, la spéculation enrichit plus que la propriété: avec un revenu fiscal de référence moyen de 4,5 millions d’euros, les premiers sont six fois moins bien lotis que les seconds.

Et c’est bien le propos de la note que de montrer que ces deux populations sont différentes, et que les vrais riches ne sont pas ceux qui payent l’ISF. La situation n’étonne pas Vincent Drezet, le porte parole du Syndicat national unifié des impôts : « en sortant le patrimoine professionnel de l’assiette de l’ISF, avec une vision très extensive – ainsi un gros paquet d’actions d’une entreprise du CAC ne sont pas comptabilisées, on déforme l’Impôt sur la fortune. Invisibles dans la déclaration ISF, ces actions n’apparaissent qu’une fois vendues via les plus-values. »

La preuve par l’affaire Bettencourt. L’héritière de l’Oréal, possède un patrimoine d’au moins 15 milliards d’euros, essentiellement en actions, tandis son que patrimoine imposable à l’ISF peine à dépasser les 2 milliards d’euros.

A gauche, comme à droite, on n’ignore pas cette déformation de l’ISF. Pour autant, l’idée de mettre au rencard l’ISF et de le remplacer par la taxation des plus-values issues de la cession des titres -bref taxer les revenus plutôt que la détention du patrimoine- solution qui semble avoir la faveur du gouvernement, constitue-t-elle la solution ?

« On peut s’étonner de ce que les principaux promoteurs de cette solution, comme le sénateur Philippe Marini son ceux qui depuis des années, ont multiplié les initiatives pour réduire l’imposition sur les plus-values. Les mêmes aussi, qui n’ont eu de cesse de stigmatiser l’ISF comme un impôt entrainant une fuite des assujettis, sans jamais produire de preuves tangibles », s’amuse Jérôme Cahuzac, le président socialiste de la Commission des finances de l’Assemblée qui n’est pas destinataire de la note.

A droite également, on s’interroge, à l’instar Hervé Mariton, député UMP de la Drome: «Je reste prudent sur la réforme qui est en passe d’émerger. »

Reste que le tableau que dresse ce document demeure édifiant. Il complète celui dressé par les auteurs de « Pour une révolution fiscale », Camille Landais, Thomas Piketty et Emmanuel Saez. Les 3 économistes fournissent sur leur site de précieuses données.

Grâce à la note de Bercy, on mesure l’énorme inégalité de revenus en France: les 1 000 foyers fiscaux les plus riches sur les 36,4 millions que compte le pays, disposent ensemble de 8,2 milliards d’euros, soit 1,1% du total. A titre de comparaison, les 6,25 millions de personnes qui travaillent pour moins de 750 euros par mois, et 445 euros par mois en moyenne, n’ont reçu qu’un peu plus que trois fois cette somme.  

Marianne

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