Made in China. Ces étiquettes, nous les voyons sur une majorité de nos vêtements. Si nous savons que la Chine domine les exportations de textile et que cette production se fait dans des conditions sociales dégradées, nous connaissons moins la pollution environnementale qu’entraîne cette industrie.
Dans un rapport récent, Greenpeace révèle des taux de pollution élevés et la présence de cinq métaux lourds dans les eaux de deux villes de la province de Guangdong, au sud-est du pays : Xintang, la “capitale du monde des jeans”, et Gurao, une ville industrielle où 80% de l’économie tourne autour de la confection de sous-vêtements.
Pour l’ONG, les pollutions auxquelles sont confrontées ces deux villes sont emblématiques de l’industrie textile chinoise dans son ensemble, qui devrait revoir ses pratiques et sa réglementation.
Avec une population de 215.000 habitants, 500.000 travailleurs migrants, 4.000 entreprises et une production annuelle chiffrée à 28 milliards de yuans (3 milliards d’euros), Xintang est connue comme la “capitale du monde des jeans”. En 2008, elle a produit plus de 260 millions de paires de jeans – soit 60% de la production totale de la Chine et 40% des jeans vendus aux Etats-Unis chaque année. 40% de ses jeans sont exportés en Amérique, en Europe ou encore en Russie.
Petites et grandes usines, ainsi que des myriades d’ateliers familiaux, essaiment dans les rues de la ville.
Adultes, mais aussi enfants et vieilles personnes, fabriquent à longueur de journée des jeans pour améliorer les revenus de leur famille. Le garçon sur la photo, dans le village de Dadun, à Xintang, gagne 0,15 yuan (1,5 centime) pour couper les fils qui dépassent d’un blue jeans. En une journée, près de 200 paires passent entre ses mains.
Les villageois se plaignent des usines, qui effectuent l‘impression et la teinture des jeans, dont les eaux usées sont rejetées dans la rivière de Xintang.
“Tout le monde dit que les gens qui travaillent dans la teinture et délavage ont des problèmes de reproduction et de fertilité. Mon cousin a déjà travaillé dans une usine de teinture. Il est mort d’une pleurésie“, témoigne Lin Zhixin, un travailleur migrant du Sichuan.
Un militant de Greenpeace récolte un échantillon d’eau d’une rivière polluée près du village de Dadun, à Xintang.
L’ONG a prouvé la présence de cinq métaux lourds – cadmium, chrome, mercure, plomb et cuivre – dans des quantités bien supérieures aux normes autorisées dans le pays. “Les procédés de teinture, lavage, blanchiment et impression sont quelques uns des plus sales de l’industrie textile, nécessitant de grands volumes d‘eau ainsi que des métaux lourds et autres produits chimiques“, explique Mariah Zhao, chargée de campagne produits toxiques pour Greenpeace.
A Gurao, surnommée “capitale du sexy”, les panneaux publicitaires de lingerie foisonnent.
La ville représente, elle, 150 000 habitants, 140 000 travailleurs migrants, 3 000 entreprises et une production de près de 4 milliards de yuans (440 millions d’euros). Les rues sont remplies d’ateliers familiaux, d’usines et de marchés consacrés à la fabrication et à la vente de sous-vêtements.
Ces enfants vont à l’école pendant la journée et travaillent de nuit et le week-end dans un atelier de tissu.
Ils obtiennent 0,3 yuan chacun pour cent bretelles qu’ils attachent à un accessoire de machine à coudre, qui sera utilisé à l’étape suivante du processus d’assemblage des soutien-gorges. En une journée, ils peuvent gagner de 20 à 30 yuans (2 à 3 euros).
En 2009, Gurao a produit plus de 200 millions de soutien-gorges. La rivière locale, le Xi Xiao, en a souffert. Les villageois estiment que cette rivière, “sale et puante”, n’est plus apte à la consommation ou à la lessive. Elle ne contient plus de poissons. Et quand elle déborde, les maisons et jardins de la population locale sont inondés par les eaux usées.
Un fossé de drainage bouché par des eaux usées et des ordures à Gurao.
Des salariés impriment des motifs sur des tissus dans une usine.
“L’eau est évacuée par les usines de teinture. Parfois, cela sent vraiment horrible. Et chaque fois, la couleur de l’eau est différente ; j’ai vu toutes les couleurs inimaginables“, raconte Ren Shan, un travailleur migrant du Guizhou.
Des élèves de Gurao essayent de se protéger des fumées de l’incinération des ordures.
“Xintang et Gurao sont emblématiques de la vaste problématique de la fabrication polluante de textiles. La responsabilité de la réglementation des eaux usées et de l’élimination des substances chimiques dangereuses dans les textiles doivent revenir non seulement aux gouvernements de Xintang et Gurao mais aussi à toute la Chine“, conclut Mariah Zhao.