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C’est fou ! Trois ans après les subprimes, la ­finance joue encore avec le feu. Et les banques pourraient craquer. C’est le «New York Times» qui a révélé l’affaire. Depuis la crise, les dirigeants de neuf grandes institutions financières – Goldman Sachs, JPMorgan Chase et Morgan Stanley en tête – se réunissent régulièrement en cachette dans un immeuble de Wall Street. L’objet de ces conciliabules : peaufiner leur stratégie pour laminer les concurrents, continuer à berner au mieux les régulateurs et cacher à leurs clients le détail de leurs commissions sur le marché des CDS, ces fameux produits dérivés très complexes.

Incroyable ! Trois ans après avoir fait vaciller le système financier mondial avec leurs actifs toxiques, les banques d’investissement ont donc recommencé à jouer avec la poudre dans notre dos. Inquiétant. Car leurs petites combines pourraient s’avérer plus catastrophiques encore qu’en 2007.

Notre enquête le prouve, la plupart des établissements ont en effet aujourd’hui les reins fragiles, en particulier en Europe – comme le démontrent les problèmes des maisons irlandaises et portugaises. D’abord parce qu’ils ont mal nettoyé leurs bilans et que s’y cachent encore d’importants résidus de subprimes. Mais surtout parce qu’ils se sont gavés de bons du Trésor grecs, irlandais, portugais ou espagnols.

Or ces pays font face à de telles difficultés qu’il faudra sans doute procéder tôt ou tard à une «restructuration de leur dette», comme en Amérique latine dans les années 1980. Plutôt que de tout perdre, les banques seront alors contraintes d’accepter une réduction de la valeur de leurs créances sur ces pays. «Si on en arrive là, une nouvelle crise bancaire risque de se déclencher», prévient l’économiste Dominique Plihon.

Ils ont toujours recours à des pratiques dangereuses

De mémoire de régulateur, on n’avait jamais vu ça. Le 6 mai dernier, sans que personne ne comprenne pourquoi, le Dow Jones a chuté de près de 10% en quelques minutes. Il a fallu plusieurs mois à l’autorité de contrôle de la Bourse pour trouver l’explication. Ce matin-là, donc, le trader d’une petite société de gestion de l’Iowa a mis sur le marché d’un seul coup 75 000 «e-minis», une fournée de titres financiers complexes.

Détectant ce mouvement baissier, les logiciels de trading à haute fréquence des grandes banques d’investissement se sont emballés. Tous se sont mis à revendre automatiquement leurs e-minis, puis des actions, provoquant l’effondrement du Dow Jones… «C’est le premier flash crack de l’histoire, et ça fait froid dans le dos», commente Christophe Nijdam, du cabinet AlphaValue.

Voilà que ça recommence ! Après la crise des subprimes, les financiers nous avaient pourtant promis qu’ils cesseraient de jouer aux apprentis sorciers. «Nous avons renforcé le contrôle des risques et l’information de nos clients», jure-t-on chez BNP Paribas et à la Société générale. Peut-être. Mais, pour le reste, rien n’a changé. «Dans l’ensemble, les banquiers n’ont retenu aucune leçon», assène l’analyste financier américain John Gillespie. «Même pendant la récession, ils ont continué de spéculer à mort», confirme l’ex-trader Marc Fiorentino.

Il faut dire que les autorités monétaires n’ont pas fait grand-chose pour les arrêter. Au contraire ! Entre 2008 et 2010, les États européens leur ont offert sur un plateau plus de 2 000 milliards d’euros d’aide, sans véritables contreparties. Dans le même temps, les Banques centrales américaine (Fed) et européenne (BCE) leur prêtaient à des taux ridiculement bas (1%) plus de 2 500 milliards de dollars et près de 600 milliards d’euros pour pallier le manque de liquidités et relancer l’économie mondiale. Mais ces petits malins ont préféré utiliser cet argent pour charger leurs grenades spéculatives.

Et ils ne se sont pas gênés pour les faire exploser. Prenons, par exemple, la crise grecque. Au printemps 2010, les hommes en noir de Goldman Sachs et de quelques autres grandes maisons ont raflé des milliers de CDS (credit default swaps). Ces titres bizarres sont en fait de simples contrats d’assurance qui permettent de se couvrir contre le risque de non-remboursement de la dette d’une entreprise ou d’un État – ici, donc, celle de la Grèce.

Mais, à la différence des contrats classiques, ceux-là peuvent être revendus sur les marchés, leur cours variant alors en fonction du risque assuré, mais aussi de l’offre et de la demande. «Lorsqu’ils sont utilisés à bon escient, ces produits sont très utiles à l’économie», rappelle l’économiste Georges Ugeux. Mais, la plupart du temps, les financiers en usent pour spéculer : ils s’assurent contre des risques qu’ils n’ont pas pris, en espérant juste faire un bénéfice à la revente.

C’est exactement ce qui s’est passé avec la Grèce. En achetant massivement leurs CDS, les cours et ils n’ont plus eu qu’à ramasser les plus-values. Le problème, c’est qu’au passage ils ont contribué à plonger Athènes dans la tourmente. Car – après tout quoi de plus normal ? – le cours des CDS est l’un des baromètres utilisés par les marchés pour évaluer le degré de fragilité des dettes : plus ils grimpent et plus le risque de non-remboursement est théoriquement important.

Leur brutale remontée a donc incité les prêteurs à exiger de la Grèce des taux d’intérêt plus élevés. Résultat : la prime payée par le pays de la feta pour placer ses bons du Trésor a grimpé de 3,5 à 6,25%. «Sans la manip des CDS, le taux serait resté à 5,5%», estime un analyste.

Choquant ? Pas pour nos hommes à cigare, qui jouent avec des tas d’autres produits dérivés (futures, swaps, options…). «Cela leur permet de parier sur à peu près n’importe quoi, du cours des matières premières aux tremblements de terre», indique l’économiste François Leclerc. L’actuelle flambée des prix du riz, du cuivre ou du pétrole s’explique largement par ces petites combines. Et le grand Monopoly n’est pas près de s’arrêter : cette année, il devrait s’échanger plus de 600 000 milliards de dollars de produits dérivés, l’équivalent de dix fois le PIB mondial ! Et presque sans aucun contrôle, de surcroît, car, huit fois sur dix, les transactions se font de gré à gré.

Pour tenter de mettre un peu d’ordre dans cette pagaille, le G20 a pourtant exigé, dès 2009, qu’elles soient menées dans des «chambres de compensation» garantissant la transparence. Celles-ci enregistrent les échanges au jour le jour, exigent des dépôts initiaux et, en cas de faillite d’un des participants, remboursent ceux à qui il doit de l’argent. De quoi, en théorie, éjecter les établissements les moins sérieux du marché.

Le problème, c’est que beaucoup de chambres actuellement en fonctionnement appartiennent… aux banques elles-mêmes. A l’instar d’ICE Trust, dont les actionnaires sont, entre autres, Goldman Sachs, Morgan Stanley et Citigroup. Plus grave : la plupart de ces instances sont trop petites et sous-capitalisées. «Certaines seraient incapables de rembourser en cas de défaut d’un de leurs membres», s’alarme Michel Castel, économiste à Paris-X.

Les mauvais génies des banques ne se sont pas arrêtés là. Depuis quelques années, les «quants», ces mathématiciens de haut vol, se livrent en effet une guerre technologique sans merci pour augmenter les marges des banques qui les emploient. Leur dernière trouvaille : le trading haute fréquence (THF). Cette technique consiste à utiliser des logiciels ultrasophistiqués pour passer des ordres automatiques d’achat ou de vente de titres en un millionième de seconde. Et ce, sans même qu’un trader en chair et en os n’ait à intervenir, comme lors du minikrach du 6 mai dernier. «Il y a cinq ans, les automatismes se déclenchaient seulement toutes les deux secondes», se rappelle l’économiste Paul Jorion.

Inutile de dire que le THF est hyperrentable pour les financiers. Les logiciels, qui agissent en permanence sur toutes les Bourses, arrivent en effet à repérer les ordres d’achat passés par les gros investisseurs. En général, ceux-ci n’acquièrent pas toutes leurs actions d’un coup, mais par petits paquets. Une fois le premier ordre détecté, la machine rafle d’elle-même un gros lot de titres – ce qui en fait mécaniquement monter le cours – et les revend une milliseconde plus tard à l’investisseur, qui n’y a vu que du feu. Menés à grande échelle, ces allers-retours peuvent rapporter gros.

Mais ils sont aujourd’hui si répandus qu’ils commencent à déstabiliser les marchés. D’abord, parce qu’ils accentuent artificiellement les oscillations des cours. Mais surtout parce qu’ils rendent les fraudes bien plus difficiles à détecter. Quand on sait que chaque logiciel (les banques en font tourner des dizaines) peut passer plus de 1 million d’ordres par jour, on comprend que les régulateurs aient du mal à tout surveiller.

Comme si cela ne suffisait pas, les as de la finance ont trouvé une autre façon de les piéger : depuis trois ans, ils s’échangent une partie de leurs actions (12% aux États-Unis et 7% en Europe) dans des «dark pools», autrement dit, des chambres noires. Au départ, Bruxelles y était favorable : il s’agissait de permettre aux investisseurs de se prémunir des attaques des spéculateurs, puisque, sur ces Bourses obscures, leur identité n’est pas dévoilée. Mais les dark pools ont rapidement intéressé des financiers moins scrupuleux, comme les hedge funds. Et, bien sûr, les banques elles-mêmes. A tel point que beaucoup d’entre elles, comme UBS, Deutsche Bank, JPMorgan Chase, Morgan Stanley ou encore Goldman Sachs, ont créé – directement ou indirectement – leurs propres chambres noires. Au total, il en existe aujourd’hui une quarantaine aux Etats-Unis et treize en Europe.

Et elles aussi commencent à semer la pagaille. «Désormais, personne ne sait plus qui achète quoi ni à quel prix», s’est inquiété en décembre dernier Jean-Pierre Jouyet, le président de l’AMF, notre Autorité des marchés financiers. Plutôt gênant pour les entreprises, qui, bien plus qu’avant, sont désormais à la merci d’attaques masquées sur leurs propres actions. Et puis, la dark pool multiplie les possibilités de manipulations des cours. Rien n’empêche, par exemple, une banque de vendre en grand nombre des titres sur une Bourse classique pour en faire baisser le cours officiel, puis de les racheter à bas prix sur une dark pool. «Il n’y a même plus besoin d’aller se cacher dans les paradis fiscaux», ironise un ex-banquier.

Certains établissements demeurent très vulnérables

Mauvais présage… Après s’être redressé en 2009, l’indice Stoxx 600 des principales valeurs bancaires mondiales a recommencé à piquer du nez l’an dernier (– 11%). Pour certains établissements, la dégringolade a même été vertigineuse : les actions de l’espagnol BBVA ont plongé de 38,2%, celles de l’italien Intesa Sanpaolo ont perdu 35,56%, le franco-belge Dexia a lâché 37% et la Société générale 17,8%. Même BNP Paribas pourtant l’une des valeurs les plus sûres de la cote, a vu ses titres s’effriter de 14,8%. «Il faut être fou pour investir aujourd’hui dans le secteur bancaire», résume un analyste.

Diable ! Deux ans après la faillite de Lehman Brothers, on croyait pourtant la finance à peu près tirée d’affaire. Les traders n’ont-ils pas retrouvé leur superbe et tous les grands établissements renoué avec les profits ? «Il ne faut pas se fier aux apparences, prévient un expert. Derrière leur façade triomphante, les banques cachent une grande fragilité.» La déconfiture brutale des maisons de crédit irlandaises à l’automne dernier en est la meilleure preuve : deux mois plus tôt, la plupart d’entre elles avaient passé haut la main les fameux «stress tests», censés rassurer les marchés sur leur solidité !

«Il y a plus d’une chance sur deux pour qu’une nouvelle crise bancaire éclate en 2011, et c’est sans doute en Europe qu’elle naîtra», pronostique l’économiste Dominique Plihon, prof à Paris-XIII. Avec l’effet de contagion, dieu sait où cela pourrait encore une fois nous mener.

Si les banques dansent aujourd’hui sur un volcan, c’est d’abord qu’elles l’ont bien cherché : une fois passée la bourrasque des subprimes, beaucoup se sont en effet remises à jouer avec le feu. Mais pas seulement. De grosses interrogations demeurent aussi sur les actifs toxiques, en particulier dans les banques européennes. Moins touchées par la crise que leurs concurrentes américaines (une poignée d’entre elles a fait faillite, contre 157 aux Etats-Unis), elles n’ont en effet pas été obligées par les autorités monétaires de nettoyer vraiment leurs bilans, ni de passer systématiquement les stress tests. Résultat : «Personne ne connaît vraiment l’étendue des problèmes», observe Gunther Capelle-Blancard, économiste au Cepii.

Selon les estimations de la BRI (la banque des règlements internationaux), les établissements européens détiendraient dans leurs livres entre 350 et 400 milliards d’euros d’actifs toxiques. Parmi eux, des titres contaminés par les subprimes américaines, bien sûr. Mais aussi des créances immobilières devenues douteuses après l’éclatement de nos propres bulles immobilières, notamment en Espagne. Les caisses d’épargne de ce pays, qui en ont accumulé des montagnes, apparaissent ainsi comme des maillons faibles. «Beaucoup ont déjà fait faillite, et ce n’est pas fini», avertit Laurent Quignon, analyste chez BNP Paribas. Au total, sur 440 milliards de prêts immobiliers dans les bilans des banques espagnoles, 180 milliards seraient problématiques.

La situation est d’autant plus inquiétante que presque tous les pays européens mènent aujourd’hui des politiques d’austérité, qui éloignent les perspectives de retour à une croissance rapide. Les banquiers risquent donc de devoir aussi affronter des taux de défaillance de plus en plus élevés sur leurs crédits aux entreprises.

Mais c’est surtout l’endettement des États qui fait trembler les banquiers. Et notamment celui des fameux «Pigs» (Portugal, Irlande, Grèce et Espagne), les quatre pays qui affichent à la fois des déficits publics colossaux et une croissance anémique. Si, comme beaucoup le craignent, ils ne parviennent pas à s’extirper de la spirale de la défiance, les autorités monétaires pourraient être contraintes d’imposer une «restructuration» de leur dette publique, et peut-être privée, comme en Amérique latine dans les années 1980 avec le plan Brady. Prêteurs et emprunteurs décideraient alors d’un commun accord de diminuer la valeur des actifs détenus sur ces pays – ce qui reviendrait à reconnaître de facto un défaut de paiement. Écarté il y a encore quelques mois, ce scénario est aujourd’hui considéré comme probable par la plupart des experts. Or il provoquerait sans doute un vent de panique, tout particulièrement en France.

A en croire la BRI, les établissements tricolores sont en effet les plus exposés au risque souverain : au total, ils détiendraient 493 milliards d’euros de créances sur les Pigs, plus encore que les banques allemandes (465 milliards). En cas de restructuration, ils se retrouveraient donc en grande difficulté, car ils n’ont pas assez provisionné pour cela.

Leurs concurrents portugais, qui ont massivement acheté de la dette nationale, font déjà les frais de la situation. Affolés par leurs bilans calamiteux, les marchés n’acceptent plus de leur prêter de l’argent qu’à un coût exorbitant. Si bien que la Banque centrale européenne (BCE) a dû prendre le relais : en quelques mois, elle leur a triplé ses avances, pour les porter à plus de 50 milliards d’euros. Cela n’a pas empêché l’agence Fitch de dégrader récemment la note de quatre d’entre eux (BES, Millennium BCP, BPI et Banif). «Les banques portugaises sont sans doute celles qui vont le plus souffrir dans les prochains mois», prévient François Savary, économiste chez Reyl & Cie.

Si elles flanchent, la crise pourrait se propager très vite. Les établissements espagnols les plus engagés au Portugal – comme Santander et BBVA – perdraient en effet le peu de confiance qu’ils conservent sur les marchés, leur affaiblissement plongerait à son tour dans la tourmente les maisons françaises et allemandes, qui leur ont beaucoup prêté, et ainsi de suite. «Une banque qui fait faillite peut entraîner par ricochet des problèmes de liquidités dans d’autres établissements et dégénérer en crise systémique, comme en septembre 2008», résume Christophe Nijdam, analyste chez AlphaValue. Seules les sociétés qui disposent d’un confortable volant de liquidités auraient alors une chance de s’en sortir. Or, à ce jeu, les françaises ne sont pas les mieux loties en Europe, comme le démontrent les calculs qu’il a réalisés pour Capital.

Et inutile de compter sur les autorités européennes pour éteindre l’incendie, comme elles l’ont fait en Grèce et en Irlande. Car leurs capacités d’intervention ne sont pas infinies. En additionnant les ressources du fonds de soutien créé il y a quelques mois par Bruxelles, les apports de la BCE et ceux du FMI, près de 480 milliards peuvent aujourd’hui être mobilisés dans l’urgence. En théorie, cela pourrait suffire à couvrir le risque espagnol. «Mais s’il devait y avoir un mouvement de panique, on serait très vite dépassé», s’inquiète Laurence Boone, chef économiste chez Barclays Capital. Tous nos espoirs reposeraient alors sur… les banques chinoises, qui n’auraient aucun intérêt à voir sauter le système financier européen. Ou sur les fonds souverains du Moyen-Orient, qui ont déjà donné un coup de main aux Américains. Croisons les doigts…

Les mesures à prendre pour les mettre sous contrôle

Encadrement des bonus, recensement des paradis fiscaux, nouveaux pouvoirs accordés au FMI… Les quelques mesures adoptées ces derniers mois en grande pompe par les États du G20 sont loin d’avoir mis un terme aux dérives des banques. Mais tout espoir n’est pas perdu pour autant. Après des mois d’hésitations, les experts de Bruxelles viennent, par exemple, d’entamer la révision de la directive MIF, qui avait autorisé, en 2007, la création des «dark pools», ces Bourses obscures échappant à tout contrôle.

De même, la nouvelle autorité européenne de contrôle des marchés, attendue depuis longtemps, a enfin vu le jour le 1 janvier dernier. Une fois installée, elle aura le pouvoir de superviser les gendarmes nationaux et d’émettre des règles que les Etats devront appliquer. Voici les principales mesures qu’il lui faudrait prendre pour mettre un peu d’ordre sur les marchés.

Interdire la spéculation sur compte propre

Pour bon nombre d’économistes, la meilleure façon de limiter les dérives des banques d’investissement serait de leur interdire le «prop trading», cette activité qui consiste à spéculer avec leurs fonds propres et où elles prennent généralement le plus de risques. Après l’avoir un temps envisagé, les Etats-Unis, cédant à la pression de Wall Street, se sont finalement contentés de le proscrire sur une poignée de produits dangereux. Autant dire que rien ne va changer. Pour l’instant, le sujet n’est même pas évoqué en Europe…

Encadrer le recours au “trading haute fréquence

Christine Lagarde l’a reconnu en novembre dernier : il est urgent que les régulateurs supervisent les nouveaux outils informatiques des banques. A commencer par les logiciels d’achat et de vente automatique de titres, capables de passer des milliers d’ordres en une seconde. Depuis le krach éclair du 6 mai dernier, les Etats-Unis testent ainsi des «coupe-circuits», qui permettent de stopper la cotation d’une action dont le cours s’effondrerait de plus de 10% en cinq minutes. Mais il est possible d’aller plus loin, en interdisant carrément l’utilisation de logiciels passant plus d’un ordre par seconde. La Commission européenne a promis de plancher sur l’une de ces options cette année. Il y a urgence.

Bannir les ventes à découvert à nu

Cette technique consiste, pour un trader, à vendre des actions ou obligations qu’il ne possède pas et dont il pense que le cours va baisser. Au moment de les livrer à l’acheteur, il se les procure à moindre coût sur le marché et empoche la différence.

«Cela accélère les chutes boursières et peut mettre en danger des entreprises», commente Jean-Paul Pollin, économiste à l’université d’Orléans. Voilà pourquoi, en juin 2010, l’Allemagne a choisi d’interdire pour neuf mois les ventes à découvert à nu sur les dix plus grandes entreprises du pays et sur ses bons du Trésor. Une première. «C’est une excellente mesure, se réjouit Georges Ugeux, ancien vice-président de la Bourse de New York. Il faudrait la pérenniser et l’étendre à tous les marchés et à tous les pays.»

En théorie, la nouvelle autorité européenne des marchés pourrait appliquer cette mesure aux produits financiers qu’elle estime dangereux. Mais rien ne dit qu’elle osera aller jusque-là.

Augmenter les réserves obligatoires des banques

Pour accroître la solidité des banques, les nouvelles règles de Bâle III, qui seront en vigueur en 2013, leur imposeront d’augmenter de 2 à 7% leur ratio minimal de fonds propres – autrement dit, la proportion d’argent qu’elles doivent mettre de côté par rapport au total de leur actif. Problème : cette règle touchera toutes les banques de façon indifférenciée sans être dissuasive. Selon certains experts, mieux vaudrait augmenter le taux des réserves financières obligatoires qu’elles doivent détenir auprès des Banques centrales.

En Europe, ce dernier est actuellement fixé à 2% du montant des dépôts et titres de créances détenus par les établissements. En Chine, il est à 19%. «Dans l’idéal, il faudrait permettre à la BCE d’utiliser cet outil de manière plus ciblée», propose l’économiste Michel Castel. Elle pourrait alors imposer des ratios plus drastiques aux établissements qu’elle soupçonne d’abuser de la spéculation.

Capital

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