Rokhaya Diallo sort son premier essai “Racisme, mode d’emploi”, ce 8 mars, aux éditions Larousse,. Elle croise son expérience militante avec l’histoire et la sociologie entres autres, pour analyser le racisme dans notre société. Dans un style vif et percutant, la fondatrice de l’association Les Indivisibles dénonce sa banalisation. Dans sa réflexion, Rokhaya Diallo interroge aussi le combat antiraciste dans sa perspective. Entretien.
Tu dis: “On commet souvent l’erreur de diaboliser les personnes notoirement racistes comme s’ils incarnaient le Mal absolu”. Pourquoi?
Parce que le racisme n’est pas une question morale. Le racisme n’est ni bien ni mal, c’est faux, scientifiquement faux.
Dans les années 1980 on a décidé que Jean-Marie Le Pen était le Grand Méchant Loup, le raciste officiel, le moindre de ses propos faisant l’objet de la condamnation générale (à raison), mais de ce fait, des propos de même nature prononcés par d’autres n’occasionnaient pas les mêmes réactions.
Quand un journaliste “dérape” à répétition, tous ses amis s’offusquent des accusations de racisme “mais non il n’est pas raciste, je le connais bien”. Comme si “raciste” signifiait “méchant”. Or, on peut tenir des propos racistes et être un ami loyal ou une personne sympathique, c’est d’ailleurs ce qui rend le racisme si difficile à appréhender. Nous pouvons tous et toutes tenir des propos racistes, ou agir sous l’influence du racisme, ce qui importe c’est d’en être conscient pour le prévenir. Nier et réserver le terme de “racisme” aux “méchants” nous fait passer à côté de l’essentiel des manifestations du racisme.
Tu n’épargnes pas la dérive des combats féministes dont tu dénonces le racisme compassionnel? Explique-nous ?
[…] Comment peut-on raisonnablement croire qu’un voile porté en Afghanistan par une femme forcée, est comparable à celui d’une Parisienne libre de ne pas le porter, dans un pays où son choix est largement minoritaire? Certaines femmes ont même été écartées des manifestations féministes en raison de leur voile! Dans ce cas pourquoi ne pas invectiver les femmes qui portent atteinte à leur corps en le torturant dans des talons aiguilles ou en le charcutant sous le bistouri d’un chirurgien? Le combat féministe doit se faire avec les femmes, pas contre elles.