La Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg, qui traite de plus en plus d’affaires liées à la présence de signes religieux, pourrait, à l’occasion d’un arrêt sur les crucifix dans les écoles italiennes, infléchir une jurisprudence qui jusqu’ici laissait une marge d’appréciation aux États.
Arménie, Autriche, Croatie, Hongrie, Chypre, Grèce, Malte, Russie… Nombre de pays européens de tradition catholique ou orthodoxe ont soutenu le gouvernement italien dans «l’affaire des crucifix» accrochés aux murs des écoles publiques de la péninsule.
C’est dire que chacun attend ici le jugement que devrait rendre vendredi 18 mars après-midi la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme (la plus grande formation avec 17 juges), à Strasbourg, sur «l’affaire Lautsi». Du nom de cette mère de famille italienne qui a contesté, en 2006, la présence de crucifix au mur de toutes les salles de l’école publique fréquentée par ses deux fils. Ce qu’elle estimait contraire au principe de laïcité selon lequel elle voulait les éduquer.
Mais ses plaintes ont été rejetées en bloc par tous les tribunaux italiens. Celui de Vénétie jugea, notamment, que le crucifix est, au-delà d’un symbole chrétien, un objet «historico-culturel» ayant une «valeur identitaire» pour le peuple italien, en conformité avec la Charte constitutionnelle italienne…
«Il y a de plus en plus d’affaires qui ont trait à la liberté de religion et de conscience», note Vincent Berger, jurisconsulte à la Cour. Ce n’était pas le cas pendant quarante ans. «Et il est possible qu’il y ait de plus en plus de jugement sur la présence des signes religieux dans les lieux publics.» Cela s’explique en partie «par l’immigration, l’évolution de sociétés devenues plus hétérogènes du point de vue religieux, la recherche de racines, des revendications identitaires chez certains».