Michel Noblecourt, éditorialiste au Monde, s’inquiète de la présence de salariés militants du FN au sein des organisations syndicales. Une présence qu’elle interprète «comme de l’entrisme».
Mais pour deux militants syndicaux qui font leur coming out frontiste, combien de syndicalistes lepénistes demeurent masqués et votent pour l’extrême droite dans le silence des urnes ?
[…] Au début des années 1990, le Front national avait déjà tenté une OPA inamicale sur le syndicalisme. Il s’était attaqué à ses maillons faibles, réussissant un temps à s’infiltrer à la CFTC et à la CFE-CGC avant que les deux centrales y mettent bon ordre. Il avait alors choisi tout simplement de créer ses propres syndicats : le Front national-Police (1995) ; le FN-RATP, le FN-Pénitentiaire, le FN-Poste (1996). En 1998, un arrêt de la Cour de cassation avait invalidé ces syndicats tous adeptes du principe de la «préférence nationale». Il avait aussi présenté, au nom d’une Coordination française nationale des travailleurs (CFNT), 132 listes aux élections prud’homales de 1997 qui avaient obtenu 5,91 % avant d’être annulées par la justice. […]En octobre 2010 Marine Le Pen avait déclaré : «Courroies de transmission de l’idéologie ultralibérale et de la folie européiste, avait-elle ajouté, celles-ci cautionnent l’abandon des travailleurs français en les livrant à la concurrence des pays à bas coût de main-d’oeuvre. Le jeu de dupes des syndicats a assez duré.»
Le FN tisse sa toile dans les classes populaires. Le 20 mars, 24 % des ouvriers ont voté pour lui (32 % pour le PS). Selon un sondage Harris Interactive pour Liaisons sociales du 20 mars, seuls 9 % des sympathisants des syndicats (contre 15 % au niveau global) ont voté pour le FN, avec un pic de 15 % à FO contre 8 % à la CFDT et 6 % à la CGT. Au premier tour de la présidentielle de 2007, Jean-Marie Le Pen avait recueilli 12 % chez les sympathisants de la CGT, 14 % à FO et 8 % à la CFDT et à la CFTC. Il n’y a pas encore péril en la demeure. Avec des structures peu perméables, les syndicats, qui vont affûter la formation syndicale, résistent.