Le sociologue Edgar Morin propose dans son dernier livre, La voie (Fayard), «un catalogue détaillé des pistes à suivre pour parvenir à un développement plus harmonieux, humain, respectueux de la nature». Interrogé par Le Point, il parle de l’actualité, du communisme, de la laïcité, de la Résistance et ce que veut dire pour lui être français.
Certes, je me sens méditerranéen et très européen, avec des racines espagnoles, italiennes, d’origine juive, mais au noyau de tout cela il y a l’identité française qui est une idée profondément métisse. C’est cela que l’on aurait dû enseigner plutôt que de faire un débat pour trouver une notion rétrécie et fausse de l’identité française.
Ce qui fonde l’identité française, c’est une volonté commune. Cette idée a d’ailleurs sa source dans la fête du 14 juillet 1790, où les délégations de toutes les provinces viennent à Paris pour dire nous voulons faire partie de la grande nation. C’est ce facteur psychologique et moral qui est dans l’identité française et qui est différent de l’identité par le sang. D’ailleurs, la France s’est faite par francisation à partir de notre petite royauté capétienne, avec des populations extrêmement hétérogènes qui, au cours des siècles, ont voulu devenir françaises. Des Flamands, des Bretons, des Catalans, des Languedociens.
Et puis, au début du XXe siècle, des Espagnols et des Italiens qui venaient occuper des terres pauvres. En deux générations, ces vagues d’immigrés se sont francisées. Et moi, si je prends mon cas personnel, je suis fils d’une famille d’immigrés, une famille juive, originaire de Salonique. Mon enracinement dans l’identité française s’est fait à travers l’histoire de France. Je me suis identifié aux martyrs et aux gloires. De Jeanne d’Arc à Bouvines et à de Gaulle, avec des désastres, des sauveurs, des victoires merveilleuses, une culture. Moi, je suis devenu français comme cela. […]
Avez-vous la nostalgie de cette époque de la Résistance que tous deux vous célébrez ?
En dépit de nos dissensions, on avait une très grande fraternité. La Résistance est partie de deux pôles : les nationalistes de droite qui ne pouvaient supporter que la France soit humiliée. L’autre pôle, c’étaient des apatrides et des communistes qui, malgré les consignes du PC, pensaient qu’il fallait résister. […]