L’historien Patrice Gueniffey revisite les «Histoires de la Révolution et de l’Empire» (Perrin). Il estime que la Révolution est morte. Et, avec elle, la politique.
Je crois que la France a longtemps eu une identité forte parce que ses passions l’unissaient et la divisaient. Cette France-là appartient au passé. Certes, nous ne guillotinons plus. C’est heureux, mais nous avons cessé d’être un peuple politique. Vous trouvez qu’il y a de quoi se réjouir ?
La Révolution est morte comme événement historique et comme marqueur politique. […] On a changé de décor. Le citoyen, l’État, la nation, la souveraineté : toutes ces notions et ces institutions qu’elle avait inventées sont mortes.
Vous oubliez, dans l’héritage de 1789, le clivage droite-gauche, qui non seulement n’est pas mort, mais s’est universalisé.
Je ne suis pas certain qu’il ait partout le même sens. De plus, dans la mesure où la politique est inconcevable sans divisions ni conflits, on peut dire qu’il a partout existé : populares et optimates s’affrontaient à Rome. C’est là même qu’est né l’essentiel de notre vocabulaire politique. Enfin, dès lors qu’aujourd’hui l’art politique se transforme en technique de gestion, ce clivage perd tout contenu. Croyez-vous que les Français seront invités à faire un choix politique en 2012 ? […]
Vous êtes généralement dénoncé comme “réactionnaire” et, en tout cas, bien trop critique de la Révolution. Aujourd’hui, vous semblez nostalgique.
N’étant pas assisté par un avocat, je ne vous dirai pas si je suis réellement “réactionnaire”. Mais je partage avec réactionnaires et conservateurs un sentiment : je n’aime pas le monde dans lequel je vis. Je regrette la disparition de cette conception globale de la politique et de la citoyenneté qui avait pris forme avec la Révolution et qui nous a donné de beaux jours : le Consulat de Bonaparte ou, plus récemment, les premières années de la Ve République. […]
Le Point (Merci à Latine)