Face à l’afflux de migrants, les policiers sont débordés. A peine la moitié des clandestins arrêtés sont expulsés. Près de 27.000 Tunisiens sont arrivés en Italie depuis le début de l’année et ont massivement transité sur l’île de Lampedusa. La plupart sont déjà ailleurs : en Italie, en Belgique, en Allemagne, et surtout en France, la destination la plus prisée.
Selon le préfet des Alpes-Maritimes, principal point d’entrée des migrants tunisiens, la frontière est parfaitement «étanche».
Les chiffres contredisent les affirmations du préfet des Alpes-Maritimes : au premier trimestre, les forces de l’ordre de son département ont interpellé 3.258 clandestins. Parmi eux, 1.258 ont été reconduits en Italie et 415 ont été «éloignés», c’est-à-dire renvoyés dans leur pays d’origine, généralement la Tunisie.
Plus de 1.584 clandestins ont donc été remis en liberté. Rien qu’en mars, sur 2.118 interpellés, 1.019 ont pu poursuivre leur route. Le discours de fermeté du ministre de l’Intérieur, Claude Guéant, se heurte au principe de réalité : expulser ou reconduire un clandestin n’est pas si simple. Les forces de l’ordre et les juges sont confrontés à trois situations :
1. Le clandestin est arrivé directement en France : il est renvoyé vers son pays d’origine.
2. Il a transité par un pays membre de l’Union européenne (l’Italie), comme l’indique un titre de transport ou une puce de téléphone italienne : il est alors «réadmis» en Italie, quitte à ce qu’il retente sa chance dès le lendemain.
3. Il n’a aucun papier prouvant sa nationalité : il est remis en liberté après sa garde à vue avec l’obligation de quitter la France dans un délai de cinq jours.
Sur le terrain, à Nice, Menton ou Cannes, les effectifs de police classique, ceux de la police aux frontières (PAF) et la gendarmerie, ont le sentiment, selon leur expression de «p… dans un violon». Frédéric Guérin, secrétaire départemental du syndicat Unité SGP-police pour les Alpes-Maritimes, avance le chiffre de «centaines» de clandestins entrant en France chaque jour. « La frontière, c’est un gruyère, assure le policier. Ils arrivent dans nos locaux par paquets de 20. » Le centre de rétention administrative (CRA) de Nice, qui dispose de 38 places, sature. «La PAF des Alpes-Maritimes est à deux doigts d’exploser, poursuit Frédéric Guérin. On met en place une politique, mais on ne donne pas de moyens humains avec. Les policiers travaillent à flux tendu, la plupart des brigades sont en heures sup.» […]