Les trafiquants de Sevran ont du mal à se projeter dans un monde où le cannabis serait légalisé – ce que propose Gatignon, leur maire. […]
Mais à quelques kilomètres de la mairie, les cinq dealers de rue qui « tiennent le hall » dans la cité de Rougemont réagissent avec scepticisme à cette proposition, comprenant très rapidement l’impact qu’aurait la légalisation sur leur business. « C’est pas bon, ça va détourner notre clientèle » craint Saïd (les prénoms ont été modifiés). Accoudé à la rambarde de l’escalier, Nadeem rétorque :
« Faut pas croire ce que les médias racontent, c’est déjà très dur de vendre aujourd’hui. »
Assis sur une chaise, l’air absent, Michaël, le plus âgé de la bande, a quitté le circuit scolaire et deale depuis plus de quatre ans. Un brin fataliste, il déclare :
« Le shit, c’est notre culture et ici, c’est notre territoire, et c’est pas prêt de changer. […] On ne se laissera pas prendre notre marché. »
« S’ils légalisent le teshi, on ira braquer des banques », répond Sofiane. Même si ces camarades ne le prennent guère au sérieux, ils peinent à imaginer une vie sans le deal. A l’image d’une chanson du groupe de rap local RGT, le « bizness » conditionne la vie sociale de ces jeunes dealers de rue.
Nadeem m’en explique la structure hiérarchique :
« Nous sommes payés 120 euros la journée. Guetteurs et bicraveurs [dealers, ndlr] se font la même paye car on alterne. Les mois pleins (30 jours), on peut donc facilement monter à 3 500 euros mais ils n’ont pas toujours besoin de nous. Le rechargeur [le revendeur qui fournit la drogue à vendre, ndlr] se fait entre 8 000 et 10 000 euros. Au-dessus de lui, c’est le patron. » […]
(merci à Latine)