Pour Karim Miské, réalisateur français d’origine mauritanienne, né en 1964 à Abidjan (Côte d’Ivoire), le refus des «Blancs chrétiens laïques» qui étaient là «avant» d’accepter les évolutions culturelles et religieuses dues à l’immigration explique «l’islamophobie» d’aujourd’hui.
Par sa simple présence, [l’Autre] force la France à se redéfinir, à faire de l’islam et des musulmans, non plus un élément de décor exotique, mais une part de son être collectif.
En ces temps marqués par d’incessantes manifestations d’une islamophobie d’État (le dernier exemple en date étant le refus exprimé par le ministre de l’éducation nationale de laisser les mamans voilées accompagner leurs enfants lors des sorties scolaires) il n’est pas inutile de se souvenir d’une époque pas si lointaine où les plus hautes autorités françaises faisaient au contraire assaut d’islamophilie.
L’inauguration de la Grande Mosquée de Paris le 16 juillet 1926 est sans conteste l’expression la plus éclatante de cette histoire d’amour entre la France et l’islam. Le Roi du Maroc et le Bey de Tunis – les deux souverains musulmans «protégés» par la France – y sont entourés par toute l’élite politique française, à commencer par le Président de la République Gaston Doumergue. […] Cette islamophilie officielle est d’autant plus savoureuse que Gaston Doumergue, ainsi qu’une bonne partie des hommes politiques présents à la Mosquée de Paris ce jour là, est un radical-socialiste franc-maçon tout ce qu’il y a de plus anti-clérical. […]
De 1926 à 2011, de l’islamophilie à l’islamophobie. Et si l’islam était comme une pièce de monnaie que chaque époque jette en l’air pour voir où elle en est?
Face : islamophilie, pile : islamophobie. Face comme la fascination de la France conquérante d’hier pour la beauté figée des vaincus. Pile comme le pilori auquel un pays habité par la peur du déclin veut aujourd’hui clouer ces «musulmans» érigés en ennemis par nature d’une France éternelle dont on ne sait plus si elle est laïque ou chrétienne. Mais que la pièce retombe côté pile ou côté face, c’est toujours la même impossibilité de considérer l’Autre comme un semblable qui est en jeu. Les islamophobes d’aujourd’hui ressemblent aux islamophiles d’hier. Des islamophiles repentis repoussés dans leurs derniers retranchements au moment où ils ont le sentiment que tout leur échappe. […]