Dans l’affaire des marchés truqués des Bouches-du-Rhône, la préemption en novembre 2004 d’un terrain à La Ciotat par le Conseil général constitue un des axes forts de l’instruction du juge Duchaine. Justifiée à l’époque par des raisons de défense de l’environnement, cette mesure a en fait permis l’extension de la décharge du Mentaure, gérée par l’Agglo d’Aubagne et exploitée par la SMAE, une société d’Alexandre Guérini. Ce qui alimente les soupçons de conflit d’intérêts, le CG 13 étant présidé par son frère Jean-Noël Guérini.
Selon nos informations, deux témoignages viennent d’être versés au dossier et fragilisent la défense du Département, qui jure être victime d'”amalgames”. Il s’agit de ceux de deux élus, le maire de La Ciotat Patrick Boré (UMP) et Alain Belviso (PCF), qui présidait l’Agglo d’Aubagne en 2004. Entendu par les gendarmes comme témoin, Patrick Boré a expliqué qu’à l’époque, il cherchait à obtenir la fermeture de la décharge, qui arrivait à saturation.
Apprenant qu’un nouveau marché venait d’être lancé par l’Agglo, il devine vite qu’un terrain voisin va se révéler décisif dans la bataille : “La seule solution d’extension pour l’Agglo était l’acquisition du terrain Semaire”. Aussi la mairie lance-t-elle une procédure de préemption: “Mon but était de rendre impossible cette extension”. Problème, le Conseil général fait alors jouer son droit de préemption, prioritaire sur celui des communes. Boré comprend que la partie est perdue: “Suite à l’annulation de notre démarche, j’ai perdu tout espoir de fermer la décharge”.
Ces propos sont confirmés par une nouvelle déposition d’Alain Belviso. Interrogé par le juge le 22 avril, l’ex-président de l’Agglo d’Aubagne est revenu sur le dossier du Mentaure et a lâché une phrase lourde de sens : “Le Conseil général a décidé de préempter dans l’intention de nous revendre le terrain. De mémoire, il a lui-même offert de nous revendre ce terrain qui entrait dans le cadre du Plan départemental des déchets.” Une vente à l’Agglo qui ne pouvait que se traduire par une extension de la décharge, comme le prévoyait le marché de 17 millions d’euros passé avec la SMAE. Bien loin du prétexte environnemental utilisé par le CG 13 pour préempter.