Jean-François Kahn, fondateur de Marianne, vient de oublier Philosophie de la réalité. Critique du réalisme et un livre contre Sarkozy Petit César. Comment a-t-on pu accepter ça… Il répond aux questions du Nouvel Obs.
A l’évidence votre sympathie va plutôt à ceux qui ont la force de dire: demain et ailleurs. Vous évoquez le cas de Gaulle ou celui de Hugo à Guernesey…
Quelque part le réalisme est toujours une forme de pétainisme. C’est pour ça que la figure du 18-Juin reste pour moi très féconde. […]
Le point commun entre vos deux livres, c’est sans doute un regard extrêmement critique sur les élites françaises, quasiment dépeintes sous l’angle de la trahison à travers les âges. Hier ils ont accepté Sarkozy, ne seront-ils pas demain capables de s’accommoder de Marine Le Pen ? Vous allez jusqu’à le sous-entendre…
La situation est en effet très dégradée. Nous allons vraiment être contraints de réinventer. Un système qui ne pense plus son dépassement est un système qui dépérit. Il n’y a plus de grands idéaux collectifs, de grand dynamisme populaire, du coup, c’est le communautarisme qui triomphe, le je-m’en-foutisme, le repli sur soi. Je fais souvent cette expérience dans les réunions publiques.
Je dis aux gens : ceux qui pensent qu’il faut rafistoler la société actuelle mais pas la changer, levez la main! Personne ne lève la main. Il y a cinquante ans, la moitié des gens présents auraient levé la main. Et ensuite je demande: qui pense que le système social doit changer radicalement? Personne ne lève non plus la main. C’est ça le drame. Vous n’avez plus ni l’un ni l’autre. Ni le petit bonheur du contentement quotidien ni le grand espoir mobilisateur.