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Quitter l’Algérie, Yong, 22 ans, vendeur de draperies chinoises à Alger, n’y a jamais songé, en dépit du climat qui devient de moins en moins cordial. Aujourd’hui c’est son angoisse principale.

Dans la boutique de Yong, sur l’une des avenues les plus commerçantes d’Alger, tout est zéro pour cent coton. Yong garde un œil sur les clientes – qui vont et viennent, tâtent rideaux, couvertures et nappes, soupèsent petits napperons tressés au crochet, demandent le prix de tel ou tel couvre-lit – et l’autre œil sur les infos à la télévision.

Ce n’est pas vrai, les Algériens sont méchants et racistes avec Yong et avec tous les Chinois, ils me font honte, ils sont tellement mal polis»

Etonnamment, ce n’est pas de Chine et d’Algérie que Yong veut parler mais de Libye. Dans son petit royaume, il ne veut pas parler. «Vous les journalistes, vous dites que les Chinois ne sont pas des gens bien.» Pour lui prouver ma bonne foi, j’essaie de baragouiner le peu de mandarin qu’il me reste après un lointain semestre d’apprentissage douloureux mais combien passionnant de sa langue. La prestation est tellement mauvaise que Yong accepte, sous les yeux ébahis de sa vendeuse Naima, de me parler. Yong a perdu deux ans à la Fac centrale d’Alger à apprendre le français, mais son arabe algérien est beaucoup plus au point.

«Vous mangez nos chats !»

A vingt-deux ans, Yong a passé plus du tiers de sa vie en Algérie. Arrivé par la porte d’Oran, à l’âge de quinze ans, avec son père, sa mère et «khouya» comme il dit joliment. Originaires de la province du Fujian dans le sud-ouest de la Chine, ses parents ont laissé derrière eux une société de construction d’autoroutes, ici le père fait de «l’import-export» et la mère a ouvert ce magasin de draperies chinoises. A vingt-deux ans, Yong a déjà une vie à la fois pleine et rangée. Patron d’un commerce florissant qu’il cherche à développer, il est marié et heureux père de deux enfants, dont un bébé qui vient de naître. Son premier fils est né à Alger il y a deux ans et le deuxième est né dans le Fujian d’où Yong revient à peine d’une visite familiale. Comme son père, dit-il, il préfère – comme le font les Chinois qui en ont les moyens – avoir plus d’un enfant et payer plus d’impôts.

Yeux noirs au regard acéré, adouci par un beau et généreux sourire, Yong affirme qu’il se sent très bien en Algérie. Sa vendeuse, Naïma, trente ans, un grand corps surmonté d’un sympathique visage, n’a pas peur d’interrompre son patron : «Ce n’est pas vrai, les Algériens sont méchants et racistes avec Yong et avec tous les Chinois, ils me font honte, ils sont tellement mal polis», dit-elle outrée. «Certaines clientes arrivent ici, elles font un tour en regardant la marchandise de haut et puis, en sortant, elles se retournent et lui jettent deux ou trois petits mots assassins, comme ça, gratuitement». Lui rétorque par un grand sourire et un «noormal» bien algérois. Naïma continue : «les gens ne connaissent même pas Yong, ils viennent et lui disent : rentre chez toi ! D’autres disent : les Chinois vous êtes venus nous coloniser, vous venez nous vendre vos déchets. Il y en a même qui lui disent : vous mangez nos chats !»

«Pas de registre de commerce aux Chinois»

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Le Quotidien d’Oran

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