Le background pétrolier de la guerre de l’Otan en Libye est peu mis en exergue par les médias occidentaux. Certains affirment même qu’il n’existe pas puisque les entreprises occidentales étaient déjà présentes en Libye. Deux articles, l’un du Washington Post du 11 juin (1) et l’autre du site d’information Salon.com (2) confortent cependant ceux qui établissent un lien entre les intérêts pétroliers et la guerre en Libye.
Après presque trois mois de combats et les bombardements et de glissements successifs des objectifs proclamés de la protection des civils à la guerre contre Kadhafi même les médias occidentaux ne mettent plus vraiment en avant le caractère «humanitaire» de l’intervention. Le but de la guerre devient clairement l’élimination de Kadhafi et la mise en place d’un régime allié plus fiable. Dans un récent article, l’ancien Premier ministre Tony Blair a indiqué que les Occidentaux étaient tenus, en raison de leurs intérêts d’intervenir dans le monde arabe. Il a estimé que la gestion de l’affaire libyenne était transposable à d’autres pays y compris au Golfe.
Il est vrai que Kadhafi est passé du jour au lendemain de leader flatté à celui de bête à abattre. Lorsque le «guide libyen» a négocié son accord post Lockerbie avec G.W. Bush en 2004, il avait espéré que le retour des compagnies pétrolières étrangères contribuerait à stimuler la production de la Libye. Le gouvernement américain avait également invité les compagnies pétrolières américaines à revenir en Libye. Les entreprises américaines n’ont pas eu besoin de beaucoup d’encouragement. La Libye possède les plus grandes réserves de pétrole prouvées – 43,6 milliards de barils – en dehors de l’Arabie Saoudite, et certaines des meilleures perspectives de forage. Depuis l’annonce officielle de l’arrêt de son programme d’armement non-conventionnel, la Libye a engrangé des revenus substantiels grâce à l’augmentation continue des prix du pétrole. D’autant que le pétrole libyen est d’excellente qualité.
Montée de nationalisme
Lors de la visite à Tripoli en 2008 de la secrétaire d’État Condoleezza Rice, les entreprises américaines comptaient pour 510.000 barils sur un total de production de 1,7 million de barils par jour selon une dépêche du Département d’État. Tout n’allait pas pour le mieux cependant pour les Américains. En Novembre 2007, un câble fuité par Wikileaks pointait déjà «la montée du nationalisme libyen en matière de ressources» exprimée par le régime libyen. La dépêche de l’ambassade américaine à Tripoli mettait en exergue les déclarations du guide de la Jamahiriya qui dans un discours de 2006 à l’occasion de la révolution du 1er septembre 1969. Kadhafi y déclarait sans ambages que les «compagnies pétrolières sont contrôlées par des étrangers qui ont gagné des millions, à présent les Libyens doivent prendre leur place pour profiter de cet argent». Son fils et héritier présomptif, Saïf El Islam, aurait repris ce thème lors d’une intervention publique en 2007. Les diplomates américains notaient que les compagnies pétrolières ont été contraintes de donner des noms libyens à leurs filiales locales.
«Pure coïncidence»
L’article du Washington Post explique en détail comment Kadhafi a progressivement dressé des obstacles au développement des activités des compagnies pétrolières occidentales, en exigeant une plus grande part des bénéfices et d’autres concessions, au point où certaines de ces sociétés ont protesté en arguant que leurs marges devenaient trop faibles et qu’il n’était plus rentable d’investir dans des forages en Libye. A présent, «pure coïncidence» observe ironiquement le journaliste de Salon.com, l’espoir renaît du côté des compagnies pétrolières occidentales. Grâce à la guerre «humanitaire» menée par l’Otan. Ainsi selon Richard Mintz, expert en relations publiques du Groupe Harbour, qui représente la coalition de Benghazi, des représentants de Conoco-Phillips et d’autres compagnies pétrolières ont participé à une réunion des délégués de la coalition rebelle avec le Conseil des Affaires Etats-Unis-Libye il y a un mois à Washington. Dans une autre réunion à Washington, Ali Tarhouni, le principal décideur économique à Benghazi, a déclaré que les contrats pétroliers seraient honorés, a ajouté Richard Mintz. En Libye, la guerre humanitaire dégage bien une odeur de pétrole .