F.-S. Votre rapport de mission qualifie le conflit en cours de « guerre civile » alors que Bernard-Henri Levy affirme, quant à lui, que toutes les tribus libyennes sont unies contre le colonel Kadhafi et son régime…
Y.B. Ce que n’a pas pu vérifier BHL, c’est la réelle popularité de Kadhafi en Tripolitaine. On ne peut pas ignorer la dimension tribale dans ce pays, même si le CNT la nie, la rejette. Prenez le président du CNT de Tobrouk : c’est tout simplement le chef de la tribu locale. (…)
F.-S. Vous accusez la rébellion d’avoir « détroussé » et « assassiné » des centaines de travailleurs africains.
Y.B. Ces malheureux se sont retrouvés pris entre deux feux. Accusés d’être des mercenaires à la solde du colonel Kadhafi par les gens de Benghazi, et détroussés par les forces de ce même Kadhafi quand ils tentaient de fuir vers la Tunisie ou l’Egypte.
F.-S. Peut-on parler pour autant, comme le fait votre mission, d’un « caractère raciste de l’insurrection » ?
Y.B. Aujourd’hui, l’insurrection désigne les gens de couleur noire comme des ennemis. Même s’ils sont libyens. Un chef de tribu nous a dit : « Nous les noirs, on ne veut plus en entendre parler. Ils ont pris le parti de Kadhafi ! ».
F.-S. Comment voyez-vous les choses évoluer ?
Y.B. (…) Certains dirigeants politiques occidentaux semblent ne pas avoir lu les rapports de leurs services de renseignements. Avec la Libye, nous disposions d’un verrou solide contre al-Qaida et contre l’immigration clandestine. Il vient de sauter.